2.11.17

Sous les pans du concombre

au dieu Hg

  Retour aux grilles de lettres qui m'occupent depuis février dernier, avec d'abord un rapide historique des faits principaux (mais il faut revenir aux billets de mai à septembre pour tous les détails):
- octobre 1996: une relecture des aventures d'Arsène Lupin me conduit à déduire du personnage Elisabeth Lovendale, dans La lettre d'amour du roi George, le jeu ROMANAMOR-LOVENOVEL.
- printemps 1998 :  je projette un roman basé sur ce jeu, Novel Roman, et j'en rédige quelques pages, dont la table des chapitres d'un roman imaginaire, formée de 11 titres composés des lettres ESARTULINO + 1 joker; la grande diagonale du carré 11x11 permet de lire ROSENCREUTZ.
- novembre 2004 : l'idée me vient du SONÈ, carré de lettres offrant une lecture horizontale et une lecture pandiagonale, et je compose une première grille, en fait une double grille 8x8 et 6x6; mes amis de la liste Oulipo estiment qu'elle aurait sa place dans le prochain numéro de Formules, où elle paraît en mars 2005.
- janvier 2009 : mes recherches jungiennes me conduisent à des jeux palindromes en hébreu, où Babel et Bel (dieu de Babel), sont les renversements de leb et lebab, les deux formes du mot "coeur", apparentées à lebia, "lion" en hébreu, fort proche des formes slaves et germaniques, lev, lew, löwe par exemple, avec des redoublements analogues à ce qui se passe pour "coeur" en hébreu, par exemple le russe львев.
- juillet 2012 : j'apprends que Ricardou, tête de file du Nouveau Roman, a publié en 1969 Les lieux-dits, roman dont la table des chapitres forme un carré de 8x8 lettres, dans lequel se lit dans la grande diagonale BELCROIX. Je pense à ma diagonale ROSENCREUTZ (ROSECROIX) dans Novel Roman.
- février 2017 : je vais en avance au club de lecture d'Esparron, pour profiter de la journée ensoleillée en lisant au bord du lac; je comptais lire l'édition originale des Lieux-dits, commandée une semaine plus tôt, mais l'ouvrage n'était pas dans ma boîte, et je me suis rabattu sur le Formules n° 9, emmené pour montrer mon SONÈ au club. Mon attention est attirée par le texte Ecrire en colonne de Cyril Epstein, s'achevant sur un carré de 9x9 lettres dont la lecture horizontale fort obscure suggère de chercher plus avant. De fait les première et dernière colonnes livrent des messages "évidents", et je crois avoir trouvé autre chose dans la colonne médiale, avec l'anagramme de NOM-PRENOM, alors qu'au travers du nom WAGNER et du prénom MANON Epstein fait allusion aux wagons de la Shoah, mais il a démenti l'intentionnalité de cette anagramme.
-juin 2017 : mes recherches me conduisent à reprendre un livre d'un colistier oulipote, El Ferrocarril de Santa Fives de Robert Rapilly (2011), et à y prêter attention à l'un des poèmes, repris dans le rabat de la couverture. C'est une grille de 9x10 lettres, construite pour faire apparaître des messages en première et dernière colonnes, mais j'y décèle dans la colonne médiale NOMOPINMRE l'anagramme de NOM-PRENOM + I. Robert a aussi démenti toute intentionnalité ici, mais le prénom et le nom du presque unique personnage du livre sont de première importance pour lui, MANUEL MAURAENS.

  Ces deux dernières grilles sont très probablement les seules grilles "ferroviaires" de 9 lettres de largeur conçues pour faire apparaître des messages dans les "rails" latéraux, et il est déjà hallucinant que les mêmes lettres NOM-PRENOM soient présentes dans le "rail" médial, mais ce n'est que le début d'une spirale vertigineuse.
  Les grilles ont 81 et 90 lettres, ce qui m'évoque les valeurs 81-90 de ELISABETH-LOVENDALE, et le total 171 des 18 lettres de ces prénom-nom a été le déclic m'ayant conduit au jeu N-AMOR, anagramme de ROMAN, prélude à LOVE-N, anagramme de NOVEL.
  En regardant à nouveau mon SONÈ, il m'a sauté aux yeux dans une grande diagonale NEVOL, renversement de LOVEN, orthogonal à DALE. Ceci était encore involontaire, mes lectures diagonales correspondant aux lettres orientées dans le même sens.

  Ce retour à Lovendale a provoqué un autre dessillement. Alors que j'avais vu jusqu'ici ce nom plus ou moins dérivé de Lovelace, personnage de Richardson dont il est question dans la nouvelle, je me suis enfin rendu compte que c'était une forme du nom Loewenthal, "vallée des lions", reliant ainsi l'affaire Novel Roman à un autre de mes thèmes de prédilection.
  J'ai pu faire ce pas grâce à un détour par la littérature scandinave, via les Frères Coeur-de-Lion d'Astrid Lindgren, apprenant ainsi que "lion" se dit en islandais löven, et en norvégien ou danois løven.
  Ceci conduit à compléter la coïncidence BELCROIX-ROSENCREUTZ entre Ricardou et moi, puisque je peux considérer BEL comme le renversement de LEB, "coeur" ou "lion". J'ai ainsi LOVEN correspondant à LEB dans la grande diagonale d'un carré de 8x8 lettres. Ci-dessous les couvertures du Lion de Kessel en russe et danois:
  Puisque le L cyrillique était dans cette édition un V renversé (tandis que le V est B), je constate que je peux lire ΛEB ou BEΛ dans la grande diagonale du petit carré du SONÈ, où les lettres apparaissent dans tous les sens. Il s'agit de la seule lettre B du SONÈ, et le O de LOVEN est aussi l'unique occurrence de cette lettre.
  Le V est le seul du petit carré, et il apparaît dans une colonne entre les 3 seuls L du petit carré. Je pense au nom LVLL, prénom RAMON anagramme de ROMAN (aussi connu comme Raymond Lulle). Les anagrammes NORMA-RAMON-ROMAN sont explicitement données dans un Queen, Le quatrième côté du triangle, et il me vient que mon carré à diagonale ROSENCREUTZ avait pour première colonne RYEUENLQEEL, anagramme de ELLERY-QUEEN, tandis que le carré de Cyril Epstein a pour première colonne GIRARE-ROI (REINE ROI apparaissent dans la lecture horizontale de ce carré).

  Le lion du roman de Kessel se nomme King. Il a été élevé par les Bullit et est resté l'ami de leur fille Patricia après avoir été relâché dans la brousse. Un morane, jeune guerrier Masaï, veut épouser Patricia, mais doit avant cela accomplir le rite ancestral d'affronter un lion, mais c'est King qui le tue et qui est ensuite abattu par John Bullit, le père de Patricia.
  J'imagine dans la version danoise l'affrontement entre le morane et le løven. Dans l'image ci-dessus tirée de l'adaptation de 1962, ce n'est pas l'acteur noir incarnant le morane qu'on voit, mais le dompteur blanc du lion Zamba, teint en noir.
J'avais commencé ce billet avec pour premier objectif de réfléchir sur les principales coïncidences unissant les diverses grilles composées indépendamment les unes des autres, et je viens de me laisser entraîner à quelques digressions, tant chaque nouveau regard sur ces grilles peut amener de nouvelles lectures.
  Un certain recul est nécessaire pour apprécier ces lectures, et voici donc ce que je considère comme essentiel dans cette affaire.

   Au départ, il y a donc l'affaire Lovendale, et plus j'y réfléchis, plus il me semble que la nouvelle de Leblanc suggère le jeu N-AMOR N-LOVE d'une manière difficile à surpasser, en fait si subtile qu'elle semble avoir échappé aux lecteurs non numérologues. Et pourtant le nom Elisabeth Lovendale est si plausible que le Lovendale ci-dessus, né d'immigrants scandinaves nommés Lovendahl, a eu une fille prénommée Laura Elizabeth dont la photo est ici.
  D'autres Elizabeth Lovendale sont recensées ici.

  Le jeu m'avait semblé péremptoire en 1996, de même que le parallélisme entre la 14e lettre d'amour parmi 18 et la 14e période de 106 ans vécue par le chevalier Rosencreutz de 1378 à 1484, tandis que L'aiguille creuse montre une découverte de la crypte où git le cadavre présumé de Lupin en 1908, 18 fois 106 ans.
  Mes découvertes ultérieures m'ont conduit à la plus extrême circonspection quant aux intentions des auteurs, mais j'avais en 1998 construit Novel Roman à partir de ces hypothèses, et donc, dans le contexte de la mort du 14e des héritiers Véranomnol, Norman Love, le 106e jour de 1908, imaginé la découverte de la table des chapitres d'un roman, formant un carré 11x11 avec la diagonale ROSENCREUTZ croisant avec ARSENELUPIN.
  J'ignorais totalement alors que l'idée eût déjà été utilisée, pour mettre en valeur une diagonale BELCROIX croisant avec MAADRBRE, à comprendre MAD ARBRE, allusion à l'un des deux principaux personnages du roman de Ricardou, Olivier Lasius, compris comme "arbre" (olivier) "fou" (asilus anagramme de lasius).

  Il y a cependant ici une communauté d'intention, et sachant que le roman de Ricardou a eu quelques milliers de lecteurs, dont quelques centaines ont pu s'émerveiller de son carré de lettres, des théories du type "centième singe" pourraient rendre compte d'une influence inconsciente.
  Par ailleurs une influence tout à fait consciente a été la liste de 12 mots de 12 lettres donnée par Perec dans "53 jours",  permettant de lire LACHARTREUSE dans la grande diagonale. Je n'ai fait qu'appliquer l'idée à une table des chapitres, avec ROSENCREUTZ en diagonale et deux autres messages, ARSENE LUPIN en diagonale brisée, et l'anagramme de ELLERYQUEEN dans la première colonne.
  Ceci rejoint étrangement les intentions de Ricardou, dont le carré recèle aussi selon lui deux autres messages que BELCROIX, l'autre diagonale MAADRBRE, et la dernière colonne anagramme de TESTER XX, "tester le croisement de la croix" (mais il ne dit pas que ce croisement au centre du carré est formé des lettres RCRD, les consonnes de son nom).

  Après ces deux seules tables des chapitres formant, à ma connaissance, des carrés de lettres, j'en viens aux deux seules grilles ferroviaires, toujours à ma connaissance, de 9 lettres de large avec des messages en première et dernière colonnes.
  Là je ne sais ce qui pourrait rendre compte des anagrammes NOMPRENOM dans la colonne centrale de chaque grille, car s'il y a une communauté ici, c'est dans la non-intention.

  Et puis il y a mon SONÈ, qui offre plusieurs liens avec ces deux paires de grilles complémentaires, et qui pourrait donc les réunir en une quaternité alchemico-jungienne, que j'ai ainsi représentée:
  J'ai disposé mes grilles et celle de Ricardou de façon à aligner les diagonales BELCROIX-NEVOLAVA-ROSENCREUTZ, et faire ressortir que mes deux poèmes "traduisent" BEL CROIX, avec CREUTZ équivalent à CROIX, et LOVEN à LEB.
  Entre les deux je peux lire NESO RAVA. Je rappelle que SONE signifie Sud-Ouest-Nord-Est (il faudrait tourner la figure de 45°, au détriment de la lisibilité), et rava' signifie en hébreu "être carré".

  Le lien entre le SONÈ et les grilles de Cyril et Robert est d'abord le n° 9 de Formules, où nous avons donné nos seules contributions poétiques à la revue.
  Je rappelle que la grille de Cyril est un "roman" inspiré par une carte postale de 1915 signée Rémy Roi, tandis que l'autre représentation de mon SONÈ est une "carpe tostale" signée Rémi.

  Les grilles carrées présentées par Robert dans ce numéro sont des formes poétiques qu'il a imaginées et que j'ai utilisées dans de serviles imitations. Le désir de créer une forme originale m'a conduit au SONÈ.

  Le lien entre les grilles de Cyril-Robert et l'affaire Lovendale est les colonnes NOM-PRENOM, et leurs nombres de lettres 81 et 90 correspondant aux valeurs de ELISABETH et LOVENDALE.
  Ceci va plus loin. Les personnages essentiels, presque les seuls, des Lieux-dits sont Olivier Lasius et Atta, dont les noms sont révélés à la fin du chapitre 3, Belarbre, et au début du chapitre 4, Belcroix. On a
OLIVIER = 90, LASIUS = 81, ATTA = 42.
  Donc Olivier Lasius est un autre 90-81, sans qu'on puisse y attribuer d'intention gématrique, Ricardou ayant probablement choisi ce nom d'un genre de fourmi pour l'anagramme avec asilus; quant au prénom, il lui était nécessaire que ce soit aussi un nom d'arbre, et le choix était donc extrêmement limité.
  Atta est aussi un genre de fourmi; c'est le seul élément du nom de la demoiselle, et si on le prend pour un prénom, on a alors
ATTA = 42 = NOM, tandis que
LASIUS = 81 = PRENOM,
joli chiasme. Si par contre Atta est un nom, on a bien
ATTA = 42 = NOM, et son compagnon
OLIVIER = 90 = PREINOM,
forme suggérée par la colonne centrale de la grille de Robert.
  Ce pourrait être une nouvelle "explication" de pourquoi le PRENOM = 81 de la grille de 81 lettres de Cyril devient un PREINOM = 90 lettres dans la grille de 90 lettres.

  La valeur 123 de NOM-PRENOM est encore significative face aux 456 lettres que comptent les 5 grilles (ou 6 puisque le SONÈ est une double grille).
  Je rappelle que divers nombres composés des chiffres 1-2-3 ou 4-5-6 ont attiré mon attention, en relation avec les points du dé. J'ai notamment vu le découpage de la valeur 885 de la grille de Cyril en 231 et 654, correspondant aux deux triplets atbash caractérisant le chapitre 51 de Jérémie, YWH-MPÇ (le marteau de YHWH, Babel) et BBL-SSK (Babel et son code atbash).
  A propos de dé, mon obsession pour les lions m'a fait la semaine dernière emprunter et lire une nouveauté de la médiathèque, Réveiller les lions, de Ayelet Gundar-Goshen. Le docteur Ethan Green s'y trouve piégé par l'Erythréenne Sirkitt dont il a tué le mari par accident. Sirkitt le contraint à soigner des immigrés divers en Israël.
  Lecture agréable, mais ce que j'en ai essentiellement retenu est que le docteur Green compare son activité à la toupie de Hanoucca, un toton qui après avoir été lancé retombe sur l'une de ses quatre faces, marquées d'une lettre. Pour le médecin, cette lettre devrait toujours être le N, noun, initiale de nes, "miracle".
  Le N est la 14e lettre de l'alphabet hébreu, et son nom complet noun a pour valeur 106. Selon la Fama Fraternitatis, c'est frère N.N. qui découvre le tombeau de Rosencreutz en 1604, 120 ans après sa mort en 1484 = 14x106.
  Plusieurs chercheurs ont vu les lettres N.N. à côté de la cache abritant Les lettres de l'empereur dans 813 être une allusion à ce N.N., et l'un de mes avatars de Novel Roman avait pour nom Noël Navrom. La grille ROSENCREUTZ avait pour valeur totale 1604, avec une répartition immédiate 1484-120 (les 7 lettres jokers imposées par les contraintes additionnelles se trouvaient par "miracle" avoir la valeur 120, de même que les 135 lettres + 3 (CXX) des inscriptions du tombeau de Rosencreutz totalisent 1484+120).

  Les 456 lettres ont pour valeur totale 5194, soit (7x7)x106, ce qui peut faire écho à 1484, (7+7)x106.

  Réveiller les lions donne encore l'occasion de souligner à quel point le lion est omniprésent dans l'affaire, bien que je n'aie su que très récemment que l'étymologie de Lovendale est "vallée des lions". J'avais néanmoins imaginé un Morvan Léon parmi mes avatars de Novel Roman, et LOVEN s'était invité dans le SONÈ. Je rappelle que le roman de Ricardou est construit autour de l'exégèse du paquet de Pall Mall, avec son blason montrant 8 lions, que le texte d'Epstein utilise la colonne de la Bastille, où il remarque le lion sculpté à sa base, et qu'un LEON s'est aussi invité dans la grille de Rapilly.

  Voilà, il y a encore bien des curiosités détaillées dans mes divers billets, mais j'avais au départ de celui-ci la ferme intention d'aller plus loin que les faits et de réfléchir sur leur sens, et je ne peux plus décemment différer cet exercice...
...que je débute néanmoins par une nouvelle digression. J'ai lu il y a peu Extraordinaires contacts avec l'au-delà, série d'expériences menées par Gary Schwartz avec des médiums afin d'éliminer tous les arguments classiques visant à discréditer leur activité. Les résultats sont phénoménaux, et un médium parvient ainsi à livrer des informations précises à un consultant avec lequel il n'a aucun contact direct, jusqu'à des informations inconnues du consultant, ensuite vérifiées.
  Tout ceci "donne à penser", comme disait Jung, mais je ne peux suivre Schwartz qui, se déclarant sceptique au départ, affirme que ses expériences démontrent la survie de l'âme.
  Sans doute les résultats sont-ils corrélés avec cette hypothèse, mais ils peuvent l'être aussi avec bien d'autres hypothèses que cette croyance usuelle. Je ne vais pas m'aventurer sur ce terrain, me bornant à (me) demander ce que pourraient démontrer les divers éléments de l'affaire Lovendale.
  Bien qu'il ne s'agisse pas d'expériences volontaires, l'ensemble dans son extrême intrication me paraît pouvoir constituer une réponse dépassant tous les espoirs, mais une réponse à quelle question?

  Je n'en sais fichtre rien, mais l'idée d'expérience me fait remarquer que le cas BELCROIX-ROSENCREUTZ pourrait ressembler à un premier test. Deux grilles composées pour former la table des chapitres d'un roman ont volontairement leurs grandes diagonales significatives, se terminant par un même mot, CROIX ou CREUTZ (à mon souvenir ma création n'avait rien à voir avec la signification du patronyme Rosencreutz, alors que la croix était essentielle pour Ricardou).
  Ressasser les mêmes choses amène un autre dessillement. Belcroix croise chez Ricardou avec "mad arbre", et Rosencreutz chez moi avec Arsène Lupin, or j'ai découvert en écrivant un pastiche lupinien de Parsifal, basée sur l'étymologie "le pur fol", qu'une anagramme du gentleman-cambrioleur est "le pur insane" (je m'aperçois que je le mentionnais aussi sur le billet consacré à Lieux-dits, mais je l'avais oublié, que n'ai-je encore oublié d'essentiel?)
  Je songe qu'un autre roman, a novel puisque c'est un roman anglais, Cette hideuse puissance, fait aussi référence à Parsifal, avec son héros Ransom (anagramme de "romans") y devenant Fisherking, "roi-pêcheur". Les mauvais de l'histoire sont basés à Belbury, avec une nette référence au BEL mésopotamien.

  Je n'ai pas su dépasser le simple constat des coïncidences unissant les grilles BELCROIX-ROSENCREUTZ, et tout se passe comme s'il m'avait été ensuite proposé un second test, avec un degré supérieur d'improbabilité. Les grilles Epstein et Rapilly offrent dans leurs colonnes centrales, involontairement, des anagrammes de NOM-PRENOM.

  Je confesse n'être toujours pas capable d'interpréter ces tests, ne parlons pas de l'immixtion du SONÈ dans l'ensemble, mais je peux au moins tenter d'approfondir ma propre implication.
  Il est clair que les passionnés de grilles de lettres sont peu nombreux, et le fait que deux des grilles concernées soient mes créations me désignait comme un candidat privilégié, mais c'était loin d'être suffisant, et les trois autres grilles m'ont été révélées grâce à de rares coïncidences. C'est ainsi que le nom d'un genre de fourmi Ana trouvé dans un roman feuilleté à la hâte m' a fait m'interroger, connaissant le genre Atta, et chercher en ligne "fourmi" "ana". Ceci m'a conduit à la nouvelle de Yolande Villemaire où apparaît aussi le nom Atta, absent de ma requête, et il y est dit qu'il s'agit d'un personnage des Lieux-dits, ce qui m'a rendu curieux de lire le roman.
  J'ai ensuite appris que la mention originelle Ana était une erreur pour Atta dans l'édition EONS (!) des Formiciens.

  En ce qui concerne les grilles NOM-PRENOM, j'étais en principe à armes égales avec tout lecteur de Formules, puisque la grille de Cyril n'a été publiée que là. La grille de Robert, outre sa parution papier, a été donnée sur la liste Oulipo et sur son site.

  J'ai cherché à évaluer la réception du Ferrocarril de Santa Fives en ligne. Les sites des éditeurs et libraires bien sûr, une chronique d'une collègue de la NRM à laquelle collabore aussi Robert, et une mention peut-être plus indépendante sur le site Lieux-dits, ce qui a fait tilt.
  J'ai pris contact avec la créatrice du site, Françoise Bauduin, présidente de la Maison de la Poésie de Rennes. Elle ne connaissait pas le roman de Ricardou...
  Une partie de ce Lieux-disant culturel, Eclats de lire, est consacrée aux livres lus dans l'année, selon un même schéma, Auteur-Titre-Scan de couverture, et le plus souvent un ou plusieurs extraits de l'ouvrage.
  Rapilly fait donc partie des 210 lectures de 2012, en 153e position (ce qui signifie qu'il a été le 58e ouvrage lu).

  Je repère plusieurs échos à mes préoccupations parmi les autres ouvrages:
- 2 titres de Jean Echenoz, 14 et Un an; JEAN ECHENOZ = 30-76 a mêmes valeurs que ALBAN LENOIRC = 30-76, narrateur de Novel Roman, 30-76 étant alors pour moi un partage privilégié des 106 ans de Rosencreutz. Alban Lenoirc se révélait finalement avoir pour réelle identité Noël Navrom, qu'on avait pensé être la 14e victime substituée à Norman Love. Plus haut, la recherche d'une image Jeopardy m'a conduit à la traduction de son Equipée malaise, Double Jeopardy.
- Il y a aussi 2 titres de Carlos Ruiz Zafón, dans la tétralogie duquel j'ai trouvé les adresses du couple Marlasca, 21 rue de la Lleona et 13 route de Vallvidrera, mon couple fétiche 21-13 associé à loven-dale en catalan.
- 6 titres de Jean-Paul Dollé, dont Véra Sempère qui m'interpelle car le point commun unissant la tétralogie de Ruiz Zafón est la librairie Sempere. L'extrait donné m'est aussi parlant:
(...) Schulz gardait le porche de l'ambassade, il l'avait toujours fait et le ferait toujours. Portier de l'ambassade, idée pure de la diplomatie, Schulz ouvrait la porte, fermait la porte. (...)
- plusieurs titres contenant le mot ROMAN, dont Un roman du réseau, de Véronique Taquin, une "Véro" qui pourrait être l'alter ego de Véra Sempère, et "être taquin" me rappelle l'anagramme de Quaternité, Taquin Tree. Le héros de Véro est un Névo, Véro comme Névo étant des prénoms que j'aurais pu donner aux personnages de Novel Roman:
Ainsi allaient les contes au sujet de Névo et de ses attributs, Névo at Odds Netshelterforum France, Web Master du site Web, Maître fou. Il devait lui suffire de n'être là qu'une occasion d'écrire, et comme il l'affirma une fois, dans ce nom de Névo, il aimait voir la case vide qui permet le déplacement des pièces au jeu de taquin.
- parmi les titres contenant le mot ROMAN, deux de Bernard Noël, Onze romans d'oeil, et Le roman d'un être, qui m'apprend l'existence d'un être plutôt taquin:
Pourquoi pas Le Roman de Roman? Non, dit Opalka, Le roman d'un être me paraît plus juste : c'est donc le titre retenu. De 1965 à sa mort, en 2011, Roman Opalka a peint la suite des nombres. Chaque nombre est la somme de ceux qui le précèdent, chaque instant de notre vie est la somme des précédents. « Je fais toujours la même chose et elle est toujours différente, comme est la vie. »
  Roman Opalka est effectivement un artiste coté, qui à partir de 1965 a peint sur des toiles de 196 x 135 cm la suite des nombres entiers, qu'il appelait Détails, l'oeuvre entière étant Opalka 1965/1-∞.
  Il a ainsi peint 233 Détails, avec une joie particulière lorsqu'il parvenait à des nombres tels que 333, 4444, qui étaient sur sa première toile, Détail 1-35327, dont un détail ci-dessus montre une erreur, la répétition du nombre 3999... 55555 était sur la toile suivante, avec un 5 qu'il voit comme C.G. Jung être le centre du carré, mais il lui a fallu ensuite 7 ans pour parvenir au 666666.
  Il caressait l'idée d'arriver au 7777777 mais la mort a interrompu l'oeuvre au 5607249, le 6 août 2011.

  Le 28 septembre, quelques jours après avoir découvert Opalka, j'ai été faire une dernière visite à notre maison de Mézel, l'acte de vente devant être signé le 5 octobre. Parcourant les papiers destinés aux poubelles j'ai remarqué celui-ci:
  C'est un document dactylographié de 24 pages de mars 2002 que j'avais précisément récupéré à la poubelle, attiré par cette mention "Ne pas publier", mais il ne révélait aucune information percutante...
  J'avais néanmoins conservé le document, et je l'ai récupéré pour y jeter un nouveau regard, sachant maintenant que Lviv-Lwow porte le nom d'un "lion", Lev ou Léon Ier, et que ses armes montrent un lion et trois tours, tandis que le blason du paquet de Pall Mall, longuement commenté par Ricardou, montre une tour et trois lions écartelés en croix.

  Après cette visite à Mézel, détour par la médiathèque où j'ai été séduit par une nouveauté, Inavouable, de Zygmunt Miłoszewski, recommandé par Pierre Lemaitre.
  C'est un thriller passionnant, malgré quelques longueurs. Le fameux tableau de Raphaël, le Portrait de jeune homme, disparu à Cracovie pendant la guerre, aurait refait surface aux USA, et Zofia Lorentz est envoyée officieusement là-bas pour enquêter.
  L'auteur aurait ainsi pu se passer d'une anecdote imaginaire qui occupe deux pages, et qui concerne Opałka, précisément (page 273, nombre que je lis 21x13). Un aristocrate anglais, obsédé par la mort de sa fille à 11 ans après une chute de vélo, a demandé à Opałka de lui faire une toile avec le nombre 5607260, correspondant au nombre de minutes de la vie de sa fille.
  Roman s'est exécuté (roman-vélo...), et est mort quelques années plus tard juste après avoir peint le nombre 5607259, comme si une fatalité lui avait fait définir sa fin en rompant avec son rituel.
  Amusant, mais je précise que le dernier nombre crayonné sur sa toile par Opalka est 5607249, et qu'il n'a pu le peindre.

  Diverses péripéties conduisent Zofia et son équipe en Suède pour consulter l'expert Borg, mais celui-ci est assassiné et les "bons" pourchassés par les tueurs se réfugient dans un zoo. Là Zofia face à un lion a soudain un éclair qui n'est pas explicité: Le lion. Les trois mousquetaires. Un secret de famille.
 
  Cet éclair la conduit à Lviv, en Ukraine où a vécu son père, alors que la ville était encore la polonaise Lwów. A mon sens, le traducteur aurait pu indiquer que ce nom signifie "lion", ce qui est évident pour les Polonais.
  Toujours est-il que c'est à Lviv, à Noël, que Zofia retouve la piste du Raphaël. Il est d'ailleurs alors question de deux autres Noëls de son père, en 1931 et 1938, et je repense au jeu NOEL-LEON qui lui n'est peut-être pas évident pour les Polonais.
  Il y a une autre curiosité, en rapport, car la dernière localisation connue du Raphaël est le palais du Wawel à Cracovie, or il a été avancé que ce nom vient de Babel, et c'est le renversement Babel-lebab qui m'a conduit via divers "lions" aux châteaux triangulaires de Wewel et Sisak.

  Une curiosité en rapport moins direct apparaît page 402, avec une belle tirade de Lisa, membre de l'équipe de Zofia, à son amant Anatol, à propos de la primauté de la beauté de l'art:
La nature est belle par hasard. Le soleil est une boule de matière, le cheval est devenu tel qu'il est au cours de l'évolution parce que c'était plus pratique pour lui, les montagnes (...)
  Je m'ébaubis de ce que les premiers exemples de beauté de la nature soient le soleil et le cheval, car "cheval" et "soleil" ont fait partie du processus qui m'a conduit à la grille de Robert dans El Ferrocarril de Santa Fives, ce qui est relaté dans Queval-Utu, "cheval-soleil" précisément.
  Quant au troisième et dernier exemple, les montagnes, c'est encore un mot qui était au premier plan des deux billets précédents, sous la forme berg essentiellement, et il y a ici un suédois Borg, "château", de même étymologie.

  Il y a un secret "inavouable" associé à la recherche du Raphaël. Le père de Zofia faisait partie d'un réseau d'agents créé par les USA dans les années 20 pour favoriser la prise du pouvoir par les nazis et contrer le bolchevisme. L'un de ces agents est devenu le Reichsführer Himmler...
  D'une part Himmler est celui qui a décidé de faire du Wewelsburg le centre du monde nouveau; si le château n'est pas cité, l'Ahneerbe est désigné comme la plus folle création de Himmler, et il était étroitement associé au Wewelsburg.
  D'autre part j'ai soumis mon premier manuscrit à différents éditeurs en 1983, 2048, où l'inventeur d'une machine à voyager dans le temps allait tuer Hitler en 1918; de retour dans son présent, il constatait que rien n'avait changé, et en concluait que l'assassinat de l'obscur caporal appartenait à une histoire inamovible, ainsi que le remplacement de l'assassiné par un personnage doté de toutes les connaissances du futur, mieux à même de mener son irrésistible ascension.

  Le loup Adolf est devenu l'ours Arturo chez Brecht. Ceci m'est l'occasion de revenir sur Bernard "ours fort" Noël, dont le nom est donc le renversement de Léon, "lion". La coïncidence "Opalka" avec le livre de B. Noël dans Inavouable s'est doublée d'une coïncidence Lviv avec le document récupéré à Mézel (toujours aussi inintéressant après nouvel examen), et c'est à Noël que Zofia se rend à Lviv.

  J'ai déjà commenté des Léon-Noël, Lyov-Voyl, Liev-Veil, et dernièrement Lav-Val qui traduirait Lovendale en un parfait palindrome bilingue serbo-français. J'ai aussi eu plusieurs occasions de souligner que le lion avait détrôné l'ours dans la hiérarchie animale...
  Une autre coïncidence renversante est qu'un colistier de la liste Oulipo a pour réel nom Noël Bernard, amateur comme moi de contraintes extrêmes, mais aussi auteur de poèmes plus fluides, qu'on peut lire sur son site Talipo. Il est arrivé qu'on le confonde avec Bernard Noël, ce qui l'a conduit à cette mise au point.
  L'un de ses poèmes que je préfère est un hommage en 21 vers de 13 pieds à une mathématicienne au nom en 13 lettres, contrainte de signer d'un nom masculin, en 21 lettres, en un temps machiste.

  Cette homonymie renversée me permet d'en venir à ce qui a motivé le titre de ce billet. Le récent Ana Mor mords-moi à mort a reçu un commentaire de Patrick Bléron, à propos de la tuerie d'Escoire qui s'est soldée par l'acquittement inattendu de Henri Girard en 1943. Celui-ci a choisi un pseudonyme lorsqu'il a commencé une carrière d'écrivain, Georges Arnaud, ce qui a contraint un vrai Georges Arnaud, moins connu, à signer Georges-J. Arnaud.
  Quelques jours après ce commentaire, j'ai appris qu'il était sorti en août  une bio de Girard, La Serpe, soutenant son innocence.
  Encore quelques jours plus tard, j'ai appris par un amateur de polars qu'un Henri Girard avait publié un roman en juillet, Sous l'aile du Concombre. Sachant que, sans aucun lien, il était paru presque en même temps que mon Sous les pans du bizarre un roman anglais traduit Sous l'aile du bizarre, je me suis dit que Sous les pans du concombre serait un titre sympathique, et je l'ai pris pour ce 237e billet, séduit de plus par sa valeur 273 (21x13), dont il est question plus haut, pour la page 273 de Inavouable où apparaît Opalka connu quelques jours plus tôt via Bernard Noël, et pour les 273 pieds du poème de Noël Bernard.
  Sous l'aile du Concombre a en fait eu une première édition en 2003. J'ai commandé et lu le roman, et ne vois pas comment il pourrait être classé polar, d'où c'est encore une bizarrerie qui m'a mené à ce concombre...

  Je reviens au site Lieux-dits, où Françoise, curieuse, a lu le roman de Ricardou, et l'a donc ajouté aux Eclats de lire 2017, ainsi que mon billet Un Ricard, ou le Jean.

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