30.11.08

Léviathans à gogo

Depuis le dernier billet, j'ai découvert d'autres Léviathans, et de multiples coïncidences formant un massif difficile à aborder. Le plus simple est de suivre l'ordre de mes découvertes.
Je me suis donc demandé, en finissant le billet sur Léviathan, qui dans le roman d'Akounine est un paquebot anglais, s'il avait existé des navires anglais de ce nom. J'ai donc googlé "RMS Leviathan" (pour la marine civile) et "HMS Leviathan" (pour la Royal Navy).
Pas de réponse civile, mais il y a eu 4 HMS Leviathan, dont l'un a combattu lors de la bataille de Trafalgar.
Ceci m'a évoqué aussitôt un curieux roman de Raoul de Warren, La Bête de l'Apocalypse (1956), où il s'agit du nom d'un navire, de 5 navires en fait qui, au cours des âges, ont tous été coulés à la même date, le 21 octobre, au même endroit, au large de Cadix. Celui de 1805 a disparu lors de la bataille de Trafalgar.
Il s'agit d'un roman "ésotérique", où la somme des dates des naufrages, 1656+1703+1782+1805+1942 = 8888, est censée faire pendant au nombre 666 de la Bête de la terre de l'Apocalypse, qui suit la Bête à 7 têtes venue de la mer (Ap 13), homologable au Léviathan d'Isaïe, "Serpent tortueux, Puissant aux 7 têtes" (Is 27). Le propos du livre semble être de démontrer que le cataclysme final annoncé par Saint Jean était la bombe sur Hiroshima le 6 août 1945, soit le 6e jour du 6e mois de la 6e année de la guerre (commencée paraît-il le 1er mars 40 lors de l'invasion de la Norvège, l'auteur ayant quelque peu bidouillé les données historiques pour parvenir à ses fins).
Ceci dit, j'aime assez ce livre, bien que je lui préfère le premier roman de de Warren, L'énigme du mort-vivant, imaginant une survie magique de Cagliostro grâce à la réunion tous les 80 ans dans la Nuit de la Nativité julienne de 4 personnes... Il en sera peut-être question ici plus tard. La curiosité qui m'interpelle est qu'il y a une crucifixion féminine dans La Bête de l'Apocalypse, alors que j'ai envisagé Léviathan d'Akounine inspiré par la Tentation de Saint Antoine, peint par Félicien Rops l'année où se passe le récit.
Il est fort difficile de résumer ce roman foisonnant. Une jeune fille est soupçonnée par un groupe ésotérique séculaire d'être la grande prostituée babylonienne Ishtar ayant traversé les siècles. C'est elle dont le groupe a tenté de se débarrasser en coulant les 5 Bêtes de l'Apocalypse, et elle est finalement crucifiée, avec une autre "témoin", sur la montagne des Quatre-Vents, le 3 août 45, le Maître du groupe s'attendant à la voir ressusciter 3 jours et demi plus tard, conformément à la prophétie. Mais elle est sauvée par ses amis, et c'est le Maître qui est crucifié à sa place...
Les fils de l'affaire sont dénoués 3 jours plus tard, semble-t-il rationnellement, par la jeune fille elle-même, en voie de guérison, lorsqu'on apprend l'explosion d'Hiroshima...

Mardi dernier, je suis passé à la médiathèque de Digne où j'ai scruté le rayon Akounine, dont je n'ai pas encore lu toutes les oeuvres.
Rien de neuf, mais deux petits pas à droite m'ont mené à la cote AUSter (Paul), et à son Léviathan (1992)... J'ai pourtant lu ce roman il y a quelques années, mais il m'était complètement sorti de l'esprit en abordant Akounine. Je l'ai donc emprunté, pour (re)découvrir que son personnage principal est Benjamin Sachs, dont le sort est lié à sa naissance le 6 août 45, à l'exact moment où Little Boy explosait sur Hiroshima...
Le lecteur ne connaîtra pas la raison du titre du roman, qui serait celui d'un chef-d'oeuvre commencé par ce Sachs, écrivain dont la vie s'est trouvée bouleversée par un fait divers à la suite duquel il a détruit son manuscrit, et consacré sa vie à détruire les répliques miniatures de la statue de la Liberté, nombreuses aux USA. En hommage à son ami, le narrateur reprend ce titre Léviathan pour son récit, en cinq parties ou grands chapitres nettement tranchés, numérotés de I à V.
C'est à la suite du rejet d'un ultimatum lancé au Japon le 26 juillet à la Conférence de Potsdam que Truman a ordonné le bombardement atomique d'Hiroshima, puis celui de Nagasaki 3 jours plus tard, suivi le 15 de la capitulation japonaise. Ce 26 juillet était le 70e anniversaire de Jung.

L'enquête Google m'a révélé qu'il a existé un paquebot Leviathan, à la curieuse histoire :Vaterland en Allemagne en 1913, il a été immobilisé par la guerre aux USA, puis réquisitionné et rebaptisé Leviathan lors de l'entrée en guerre des USA.
Hitchcock a travaillé en 1938 à un film sur le Titanic, et il comptait utiliser ce qui restait alors du Leviathan pour ses décors.
C'est curieux, car j'avais remarqué la date du 14 avril 1878 dans le roman d'Akounine, jour d'un meurtre commis à bord du Leviathan. Le coupable, le second Reynier sentant le filet se resserrer autour de lui, élimine le capitaine le 16 avril et tente, dans la nuit du 18 au 19, de naufrager le navire, sacrifiant ses 2000 passagers... C'est dans la nuit du 14 au 15 avril que le Titanic a sombré.
Or le naufrage du Titanic est un sujet privilégié des amateurs de bizarreries, à cause d'un roman écrit 14 ans plus tôt sur le naufrage du Titan, avec de multiples similarités, et de la présence parmi les victimes d'un écrivain métapsychiste, WS Stead, obsédé par les naufrages et qui s'était résigné à cette traversée vu la prétendue insubmersibilité du nouveau Titanic.
J'ai une implication personnelle dans ce sujet, car en 2006, deux amis que je connais indépendamment et qui eux ne se connaissent pas, Bertrand Meheust et Jean-Pierre Le Goff, ont chacun écrit un livre sur la question, alors qu'il n'existait jusqu'ici aucun ouvrage français uniquement consacré à ces étrangetés. Celui de Jean-Pierre, Les abymes du Titanic, est paru 6 mois après celui de Bertrand, Histoires paranormales du Titanic, que Jean-Pierre a pu consulter, ce qui lui a permis d'ajouter un parallèle entre leurs vies, relatif aux naufrages. Bertrand a dédié son livre à un marin qui lui a sauvé la vie, lors du naufrage, où 5 personnes périrent, du Carpe Diem parti un matin de 68 de Douarnenez. Or Jean-Pierre est natif de Douarnenez, et ceci lui a rappelé le jour où il a vu son père pour la dernière fois, en mars 45 (au moment où commence la Bête de l'Apocalypse) : âgé de deux ans et demi, il avait eu le sentiment qe son père partait pour très longtemps, et effectivement celui-ci disparut quelques semaines plus tard dans l'explosion de son navire ayant heurté une mine au large de l'Ecosse.

Ces découvertes ont probablement remué quelques neurones dans ma cervelle fatiguée, si bien que je me suis rappelé tout seul vendredi 28 qu'il y avait eu une BD intitulée Les Léviathans parue jadis dans Métal Hurlant. Expédition au grenier où je conserve mes MH, et effectivement il s'agit d'une série dont le premier épisode est parus dans les numéros 69 à 72 de MH, de novembre 81 à février 82.
Il s'agit d'une BD scénarisée et dessinée par Paul Gillon, dont le héros se nomme Olivier Decan (ou Décan dans certaines cases), ce qui est, comme disait l'autre, bouleversifiant :
- Je rappelle que le second billet de ce blog était consacré à la BD Quintett, en 5 tomes dessinés par différents artistes, dont Gillon, sur un scénario de Giroud. J'avais remarqué les initiales des 4 plus jeunes membres du Quintett pouvoir former le mot DEAN, complété en DECAN dans le 5e tome (dean et decan étant deux formes issues de la racine latine decanus, "dixième", "doyen").
- Je notais aussi l'équivalence des lettres NDAE aux notes GDAE, notes en quinte (de même CNDAE équivaut aux quintes CGDAE), or Gillon a précisément dessiné Histoire d'Alban Méric, le violoniste du Quintett, et un violon a 4 cordes accordées en quinte, G-D-A-E, sol-ré-la-mi.
- J'ai lu Léviathan d'Akounine parce qu'il s'agit d'un roman à 5 voix, en écho immédiat à Quintett dont je venais de découvrir le dernier épisode 3 semaines plus tôt, et me suis donc intéressé aux Léviathans de Gillon en rapport second avec Quintett.
- Ce réseau Quintett-Léviathan-Gillon-Decan était déjà prodigieux, mais en ce 28 novembre l'actualité était centrée sur la tragédie de Bombay, fomentée par les Moujahidine du Deccan, nom de la majeure partie de la péninsule indienne, Bombay se situant sur la côte ouest du Deccan.
- Wikipédia m'a appris que la première forme française de ce nom était Décan, et qu'il signifiait originellement "droite" (ou "dextre", plus reconnaissable, soit le sud puisque les anciens s'orientaient face au soleil levant). La dernière partie de Léviathan d'Akounine se passe le long de la côte du Deccan, le paquebot ayant quitté Bombay le 16 avril, le dénouement survenant le 19 après la tentative de Reynier de faire sombrer le Léviathan entre Ceylan et la côte est du Deccan, la droite de la droite donc...
Ci-contre le Pont d'Adam ou Pont de Rama entre l'Inde et Ceylan, où n'existent que quelques étroits chenaux évitant de contourner Ceylan (merci Wikipédia).
- Je rappelle que le rôle du doyen (dean-decan) de Quintett Charles Guibert est dévolu dans Léviathan d'Akounine au commissaire Gustave Gauche, et il y a de quoi perdre définitivement son nord en constatant que le personnage principal de Léviathan d'Auster (austral ?) est un Benjamin, ben yamin signifiant "fils de la droite"...

La rubrique Deccan de Wikipédia signale en article connexe Trapps du Deccan : un trapp désigne une formation géologique dont un des premiers exemples est au Deccan, or le premier épisode des Léviathans débute par une entrevue entre Décan et son supérieur Lionel Trapp. Voici les vignettes 4 et 5 de la première planche :
Je ne vois guère quoi ajouter. Le mot trapp est plutôt rare, sinon récent, ainsi il ne figure pas dans mon dictionnaire encyclopédique Larousse de 79, et je ne vois pas pourquoi Gillon aurait voulu évoquer l'Inde. Le nom du supérieur ferait plutôt allusion au "piège" (trap en anglais) dans lequel Trapp envoie Decan...

La série des Léviathans a connu une évolution mouvementée. Ce premier épisode, ensuite baptisé Plan Aspic, est paru dans Métal après avoir été commandé par BD Magazine qui a déposé son bilan entretemps. Il s'achève semble-t-il sans avoir résolu les énigmes en cours, laissant Decan mort dans le naufrage de l'Argonaute. Ce n'est qu'en 1990 que paraîtra la suite, où ressuscite Decan, et le dernier volet attendra 2000... L'intrigue de départ semble s'être quelque peu effilochée dans ce Réactions en chaîne, qui commence un 17 avril, et s'achève si je compte bien deux jours plus tard, soit un 19 avril, comme Léviathan d'Akounine.

Quelques développements un peu plus pointus.
L'apparition de Trafalgar m'a encore rappelé mes recherches sur QUATTERINE et les anagrammes, qui m'avaient amené à une constatation : l'énoncé le plus immédiat de 11 lettres ESARTULINOQ comportant le mot "quatre" serait "quatre lions", ce qui évoque les 4 lions de bronze de Trafalgar Square, belle image de quaternité autour de la colonne Nelson.
Le "lion" hébreu est arieh, mot de 4 lettres de valeur 216 = 6.6.6.

En 1983, j'ai écrit le premier texte que j'ai tenté de faire publier, sans succès.
C'était un roman de SF où le savant Jason Van Cleft remontait le temps jusqu'en 1918 pour assassiner Hitler et éviter au monde la tragédie du nazisme. Ca ne se passait pas comme il l'avait escompté, mais ce qui importe ici est que Van Cleft justifiait son entreprise par une interprétation de l'Apocalypse selon laquelle le 666 johannique correspond comme chez de Warren au 6e jour du 6e mois de la 6e année de la guerre, homologué sans complication au Jour J, au 6/6 où de plus la flotte du Débarquement est arrivée face au Mur de l'Atlantique à 6 h GMT.
Comme de Warren, que je n'avais pas lu alors, j'avais joué avec les 1260 jours de la prophétie, et calculé que 1260 jours avant le Jour connu comme "le plus long" tombaient le 24 décembre 40, soit le jour précédant la Nuit de Noël, traditionnellement la plus longue de l'année.
Confrontant mon exercice à celui de de Warren, je m'aperçois que le 21 octobre 42, la date clé du naufrage de la dernière Bête de l'Apocalypse autour de laquelle tourne tout le roman, serait le 666e jour à compter du 24 décembre 40 (ou du 25 décembre inclus, ce qui semble être le mode de calcul utilisé par de Warren pour ses 1260 jours du 21/2/42 au 3/8/45).
Je suppose que de Warren a choisi cette date du 21 octobre à cause de la bataille de Trafalgar, et a trouvé ensuite quelques autres événements historiques maritimes pouvant servir son propos. Je n'ai pas cherché à approfondir le contexte historique des premiers naufrages évoqués dans le roman, mais la consultation du 21 octobre sur Wikipédia me fait découvrir qu'il s'agit de la date de la tragédie d'Aberfan en 66, où un terril a enseveli ce village gallois, notamment son école, faisant 144 morts dont 116 enfants. Cette catastrophe est célèbre pour d'extraordinaires prémonitions, bien attestées, ainsi une fillette a pu dire à ses parents que son école disparaîtrait sous une masse noire, mais qu'elle n'avait pas peur de la mort, car ses amis June et Peter resteraient avec elle ; elle était enterrée quelques jours plus tard entre June et Peter. Un extraordinaire autre cas ici, où une femme de Plymouth a vu en rêve la catastrophe, et l'a décrite le 20 octobre à plusieurs personnes avec des détails d'une stupéfiante précision.
Je suppose qu'un rationaliste forcené nierait ces cas, rejetant d'emblée tous les témoignages contraires à sa vision des choses. Le même rationaliste aurait évidemment peu de chances de lire La Bête de l'Apocalypse, où 10 ans plus tôt de Warren introduisait cette date fatidique du 21 octobre, en l'associant étroitement au noir : chaque Bête est coulée un 21 octobre à l'instigation d'un Blake, d'un Black ou d'un Noir, et le noir est la couleur des Chevaliers de L'Apocalypse, la mystérieuse secte veillant à l'accomplissement de la prophétie.
Et c'est donc le 21 octobre 66 que la terre a bougé à Aberfan, engloutissant le village sous le noir crassier, noir souvent présent dans les prémonitions associées. Le nombre des morts, 144, est encore un des nombres clés de l'Apocalypse (21,17). Si la catastrophe n'a évidemment pas l'ampleur de l'explosion d'Hiroshima, elle permet d'imaginer chez de Warren, descendant d'une illustre famille anglaise, un don de prémonition plus convaincant que ses constructions tortueuses.

Ceci m'a rappelé une chanson que j'adorais à cette époque, Bells of Rhymney de Pete Seeger qui a mis en musique en 64 un beau poème sur le pays minier gallois. Croisant avec Aberfan, j'apprends ici ce qui ressemble à une quaternité jungienne : il y avait 3 couplets à la chanson de Pete Seeger, composée sur un poème d'Idris Davies, puis Jeannie Williams y a ajouté un 4e couplet évoquant Aberfan, couplet que cette folkeuse chantait elle-même, et qu'elle a remis à Pete Seeger qu'elle a rencontré.
Le détail de l'affaire est hallucinant : cette galloise a émigré en Nouvelle-Zélande le 21 février 66, et elle remarque que la catastrophe a eu lieu exactement 8 mois plus tard ; c'est le 21 octobre, quelques heures après l'annonce de la tragédie, qu'elle a composé son couplet. Or le roman de de Warren insiste, plutôt gratuitement, sur l'importance des 8 dans les naufrages des Bêtes, notamment celle coulée le 21 octobre 42, 8 mois exactement après la décision alliée du débarquement allié en Afrique du Nord. Je remarque encore que le fondement de l'affaire, le jeu 666-8888, supposé être une inscription gravée sur le socle d'une statuette babylonienne d'Ishtar, équivaut à un ternaire-quaternaire jungien au carré, en quelque sorte, car ces nombres sont les doubles de 333 et 4444.
Je n'ai trouvé sur Youtube qu'un enregistrement en concert de Pete Seeger, manquant de relief sonore ; je conseille aussi les vidéos de John Denver (toutes ces versions n'ont que les 3 couplets originels).

22.11.08

Léviathan

Voici, à la suite de la promesse du billet Rien que huit jours, quelques commentaires sur Léviathan de Boris Akounine (1998, 2001 pour la traduction française).
J'y expliquais ce qui m'avait fait m'intéresser à B.Akounine, et découvrir sans m'y attendre le 10 octobre Le Décorateur, roman se passant pendant la semaine pascale de 1889. Léviathan attira aussi mon attention ce jour-là, pour sa structure remarquable évoquant Quintett de Giroud, où 5 personnes donnent tour à tour leurs visions fragmentaires et subjectives des mêmes faits.
C'est un peu différent ici. Un horrible crime a été commis à Paris le 15 mars 1878, et le seul indice abandonné par le meurtier est une épingle en or identifiant un passager de 1e classe du Léviathan, cadeau offert à l'occasion du voyage inaugural du paquebot de Southampton à Calcutta, départ le 19 mars. Le commissaire Gustave Gauche rejoint le navire, où une enquête discrète du capitaine révèle que 4 passagers n'ont pas l'emblème doré - une baleine d'or.
Aussi le commissaire Gauche est-il contraint de participer à la croisière, ayant obtenu du capitaine que les 4 suspects, 2 hommes et 2 femmes, partagent sa table aux repas, lui permettant d'enquêter discrètement...
Le roman est constitué de 3 parties de chacune 5 chapitres, chaque chapitre ayant son mode de narration épousant le point de vue d'un des 5 protagonistes.
C'est plutôt bien mené, d'autant que le hasard a voulu qu'un certain Eraste Fandorine soit admis à cette même table. Le lecteur peut ainsi suivre, au fil des récits des divers protagonistes, les progrès de la propre enquête du héros d'Akounine, sans avoir accès à ses intimes pensées.
Un nouveau meurtre a lieu le 14 avril, dimanche des Rameaux en 1878, et date funeste dans la navigation puisque ce sera celle du naufrage du Titanic en 1912.
Le dénouement, à triple détente, survient le 19 avril, soit vendredi saint. Je suis plus passionné par les identités des coupables successifs, en rappelant que j'avais vu dans l'âme noire du Quintett de Giroud, le vieux psychiatre Charles G., un écho synchronistique au psy Carl G. Jung ("jeune"). Les coupables successifs sont ici :
- Charles Reynier, le second du Léviathan, qui ne faisait pas partie des suspects. Il laisse une confession complète de ses crimes avant, semble-t-il, de se donner la mort.
- Gustave Gauche, le commissaire qui a cédé devant l'énormité de l'enjeu fabuleux de l'affaire, le trésor du rajah Bagdassar composé de 512 pierres précieuses de 80 carats... Il tue Reynier, en s'appropriant le secret de la cache fabuleuse, la confession de Reynier laissant entendre que ce secret est perdu.
- la jeune Suissesse Renata Kléber : c'était la complice et maîtresse de Reynier, dont la confession avait pour but de la laisser insoupçonnée, afin de lui permettre à elle et à l'enfant qu'elle porte de récupérer le trésor. Reynier ayant perdu sa baleine d'or, il avait emprunté celle de Renata, insoupçonnable écervelée de 19 ans ne semblant préoccupée que par "son état". Il s'agit en fait de l'aventurière belge Marie Sanfon, de 10 ans plus âgée, qui savait que son amant n'avait pu se suicider; elle tue Gauche après lui avoir extorqué le secret du trésor, mais est ensuite démasquée par Fandorine.

Je suis bien conscient de la fragilité de ma lecture Charles G. = Carl Gustav dans Quintett, qui s'appuyait sur quelques autres détails, et qui ne constituait en aucune façon une interprétation. Je n'imagine pas en effet que Giroud ait pensé à Jung, pas plus que je ne vois a priori ce qu'il viendrait faire dans ce roman, que j'ai cependant lu à cause de ma récente lecture de Quintett, or voici qu'au lieu du manipulateur Charles Guibert, désireux de démontrer sa théorie de L'assassin qui est en vous, je trouve trois assassins en 1878 (3 ans après la naissance de Jung), dont les deux premiers sont Charles et Gustave, comment mieux faire ?, et la troisième une présumée citoyenne suisse (comme Jung), jeune de surcroît...
Gustave évoque dès le premier chapitre la théorie de Lombroso sur les criminels nés, théorie que Charles (dans Quintett) entendait réfuter.

Et le vendredi saint dans tout ça ? J'avais parlé du capitaine Joshua Cliff (JC, avec Joshua = Jésus), mis hors circuit le mardi précédent par une ruse du second Reynier, or il me semble avoir découvert autre chose de plus convaincant encore en constatant que l'année 1878 est célèbre pour une crucifixion scandaleuse, celle proposée par Félicien Rops dans sa Tentation de Saint Antoine.
En ce vendredi saint 19 avril 1878, les deux larrons Charles et Gustave meurent, je ne me hasarderai pas à identifier lequel était le "bon" (Reynier est le bras droit du capitaine, et l'autre le commissaire Gauche). Sans Fandorine Renata aurait probablement mené à bien son plan, mais il démontre qu'elle n'est autre que l'aventurière belge (comme Félicien Rops) Marie Sanfon (Rops ne pensait-il pas à Marie ?)
Renata-Marie est blessée d'un sévère coup qui fait craindre pour sa vie ou celle de l'enfant qu'elle porte, mais tous deux sont saufs, et Fandorine prédit amèrement que la séduisante jeune femme embobinera facilement ses juges et sera bientôt libre. Quelle différence avec ce qui se passera 11 ans plus tard dans Le Décorateur où, dans la nuit pascale de 1889, Fandorine exécute lui-même le tueur qu'il a démasqué.

Le Léviathan est un navire anglais, or les navires figurent parmi les rares "choses" qui ont le privilège d'avoir un genre en anglais, alors que la plupart des animaux sont neutres (it). Mais un navire est féminin (she), et Jung a précisément rationalisé l'aspect féminin du Léviathan biblique. Je suis particulièrement frappé par cette illustration de Psychologie et Alchimie, où on voit le crucifix appâter le Léviathan. Je suggère de consulter les index des oeuvres principales de Jung pour d'autres commentaires et illustrations.
L'analyse de Jung se trouve rejoindre certains commentaires kabbalistiques, rapprochant la valeur numérique du mot hébreu Leviathan (=496) de celle du mot Malkhout (=496), "Royauté", désignant dans la mystique juive l'aspect féminin de la divinité, la Shekhina. L'énigme de Marie Sanfon est décidément un abîme sans fond, car elle est triplement associée à la royauté :
- son pseudo Renata ("renée") commence par la syllabe "reine";
- elle est la femme de Reynier, fis du rajah ("roi") Bagdassar, destitué par l'occupant anglais;
- Reynier est pratiquement un palindrome construit sur la syllabe "rein(e)";
- La Vierge Marie est encore "Reine des cieux", Regina Cæli, hymne chantée de Pâques à la Pentecôte.

Quintett de Giroud m'avait amené à Quintet d'Altman, série d'assassinats programmée par une volonté extérieure, avec Newman dans le rôle principal. J'avais remarqué l'aspect ambigramme de NewmaN, or cette histoire d'assassins et de suissesse ne peut manquer de m'évoquer le Fait divers renversant que mon ami Gef a peut-être été le premier à signaler, en octobre 2000:
Il est toujours fascinant que la prétendue Suissesse soit la femme du quasi-palindrome Reynier, et qu'ils forment un couple d'assassins.

La couverture de la première édition d'Azazel, la première enquête de Fandorine, m'a conduit à écrire un billet sur mon autre blog. Si j'avais identifié immédiatement une illustration du Voyage au centre de la terre, il m'a semblé que la couverture de Léviathan était aussi une illustration tirée d'un Jules Verne, j'ai d'abord pensé aux Aventures du capitaine Hatteras.
On pourra vérifier sur le lien ci-dessus que ce ne semble pas être le cas, mais qu'il était permis d'attribuer encore à Riou cette illustration, et que ce roman était à privilégier, puisque le Forward de Hatteras a aussi deux mâts et une cheminée. Plutôt que des dessins plus ressemblants à la couverture de Léviathan, j'ai choisi ce mandala où Riou est supposé montrer la lune telle qu'elle apparaît en Arctique.
Le Léviathan, soit dit en passant, ne risquait guère de rencontrer de banquise entre Southampton et Calcutta. Il aurait été remarquable que la couverture ait montré le Forward qui a quitté Liverpool le 6 avril 1860, qui était un vendredi saint, ce que Verne n'indique pas, pas plus que dans Cinq semaines en ballon, où le Victoria prend son envol le 18 avril 1862. Les deux premiers Voyages extraordinaires publiés commencent tous deux des vendredis saints, et la suite de l'oeuvre de Verne montre d'autres allusions pascales. En utilisant l'équivalence i=y envisagée plus haut pour Reynier, j'avais dans mon article de Teckel n°2 (2004) traduit ce secret vernien par l'anagramme :
Verne didn't say "Vendredy saint"

16.11.08

l'heure du chrisme

Mon renouveau d'intérêt récent pour Et le huitième jour... (1964), polar atypique d'Ellery Queen, m'a fait porter attention à un détail précis : le 6e jour, soit le vendredi 7 avril 1944, le Maître de la communauté de Quenan est mis à mort par les siens au moment exact du coucher du soleil.
Comme il l'a été vu, ce vendredi est le vendredi saint, et l'ensemble du roman est une parodie de la Passion, liée aux recherches alors récentes sur les manuscrits de Qumran. Si le but exact en est peu clair, il est au moins certain que la mort du Maître au coucher du soleil est une distorsion par rapport aux Evangiles, qui situent la mort du Christ vers 15 h. Marc et Luc indiquent alors une éclipse de soleil qui aurait duré trois heures (bien entendu j'aborde ici la crucifixion d'après les seuls témoignages connus, ceux des Evangiles, sans préjuger de leur véracité).
Si l'heure du crime est minuit dans notre civilisation où la date change à 24:00, ce serait plutôt dans la culture juive au coucher du soleil, déterminant le passage au jour suivant. Ainsi le vendredi 7 avril 1944 après le coucher du soleil est-il le samedi (shabbat) 15 nissan 5704 pour les Juifs, et ce n'est pas une date quelconque puisque c'est la Pâque juive, Pessah.
Dannay, le "Queen" principal né Daniel Nathan dans une famille juive pratiquante, a donc situé, intentionnellement ou non, la mort du Maître en même temps le vendredi saint chrétien et la Pâque juive.
Ceci devient plus troublant lorsqu'on se souvient que, précisément, la crucifixion a eu lieu dans l'après-midi précédant un shabbat qui était aussi Pessah, ce qui a conduit à dater la Passion en l'année 30, où le 15 nissan tombait au soir du vendredi 7 avril.
Le problème est complexe, les historiens devant rendre compte des multiples contradictions entre les témoignages bibliques, et de problèmes calendaires complexes, ainsi d'autres dates sont suggérées, mais il faut se préoccuper de ce qui était disponible pour Dannay en 1964, où l'année 30 recueillait toutes les faveurs. Par exemple le best-seller international Jésus en son temps de Daniel-Rops (1945, écrit en 44 !) donne pour date de la crucifixion le vendredi 7 avril 30.
Ainsi les conditions spécifiques de la semaine sainte supposée originelle se sont trouvées répétées en 1944. Je me suis demandé si cela arrivait fréquemment, et j'ai eu la stupéfaction de découvrir que c'était la première fois en 1944 que réapparaissaient depuis l'an 30 ces deux conditions spécifiques (Pâques le 9 avril, Pessah le 8), et que leur prochaine occurrence ne reviendra qu'en 2479.

Je donnerai en fin de billet le détail (plutôt rébarbatif) de mes investigations.

1944 est donc une année très particulière, unique pour nous puisqu'un roman se passant en 2479 relèverait de la S-F.
Au-delà de la fiction, la semaine sainte 44 est encore celle de l'événement fondateur de ce blog Quaternité, la "résurrection" de Jung le 4/4/44, le mardi saint où son docteur s'alitait pour ne plus se relever, frappé de septicémie. Quel était le nom de ce médecin ? Quel jour est-il mort ? Passionnantes questions dont j'espère un jour connaître les réponses.

Et le huitième jour... Cette formule apparaît à diverses reprises dans la Bible, notamment à propos de la fête de Chemini Atseret (Nb 23,39 par exemple), très importante fête clôturant Souccot, fête des Cabanes, se confondant en Israël avec Sim'hat Torah, célébrée le lendemain dans la diaspora.
Dannay est né le 20 octobre 1905, soit le 21 tichri 5666, le 7e jour de Souccot, ou, s'il est né après le coucher du soleil, le 22 tichri, soit Chemini Atseret ("fête du 8e jour") qui était cette année un samedi, circonstance souvent jugée favorable. Quoi qu'il en soit, il existe un lien entre ces journées du 21-22 tichri et celles du 14-15 nissan (la veille et le jour de Pessah), car la prière journalière demande la rosée du 15 nissan au 21 tichri, et la pluie du 22 tichri au 14 nissan.
Ceci peut conférer une touche intime à la mort du Maître à cheval sur les 14 et 15 nissan, passage de la saison humide à la saison sèche, Dannay étant né à l'autre pôle de l'année, passage de la saison sèche à la saison humide.
Il est encore à noter qu'en l'an 5704 (1943-44) où Dannay a situé l'intrigue du roman, le 21-22 tichri correspondait au 20 octobre (1943), son anniversaire dans l'autre calendrier.

Mes premières analyses m'avaient fait supposer que la motivation personnelle principale de l'oeuvre était la naissance de Dannay le 20 octobre, à l'exact opposé dans le cercle de l'année de la naissance de Hitler, le 20 avril 1889, un samedi saint (et, je le sais depuis peu, à quelques minutes de la nuit pascale).
Hitler est en outre natif d'Autriche, Österreich, le royaume de l'Est, ou d'Ostara, divinité de l'équinoxe, également nommée Eostre ou Eastre, qui a donné son nom à une fête païenne récupérée par l'église chrétienne, Ostern en allemand, Easter en anglais. Ostara était selon Jung l'archétype de la Mère.
L'indice le plus sérieux de l'importance pour Dannay de la naissance pascale de Hitler est un détail du 8e jour : l'une des deux autres dates données dans le roman, en-dehors de la semaine de 1944, est le 8 avril 1939, le jour où le Maître a retrouvé le livre saint Mk'h, qu'Ellery découvrira avec horreur être Mein Kampf, la bible des nazis.
Ce 8 avril 39 était aussi un samedi saint, comme en 44.

Je ne crois pas avoir perçu jusqu'ici toute la portée d'une curiosité unique dans l'oeuvre de Queen : les intitulés des 8 chapitres de Et le 8e jour... (1964), de Dimanche 2 avril à Dimanche 9 avril, reprennent la forme exacte des 20 sections de Coup double (1950), dont les 4 premières sont :
Mardi 4 avril
Vendredi 7 avril
Samedi 8 avril

Week-end 8-9 avril

L'année n'est pas précisée, contrairement à Et le 8e jour..., mais ne peut être que 1950 si les données ne sont pas fantaisistes, 1950 qui est la 3e et dernière année du 20e siècle où Pâques est tombé le 9 avril.
Je ne suis pas sûr d'avoir été conscient que les trois premiers titres aient été "doublés", précisément, repris dans Et le 8e jour.... Dans aucun autre Queen les chapitres ou sections n'ont pour titres des dates.
Je savais que cette semaine sainte de 1950 était particulière, en ce qu'elle coïncide exactement avec les 8 jours de la Pâque juive, Pessah étant tombé le 2 avril en 1950/5710, mais la mort du Maître à cheval sur vendredi saint et Pessah apporte un nouvel éclairage à certains détails de Coup double.
Le 7 avril 50, vendredi saint donc, Ellery apprend à New York la disparition à Wrightsville dans la nuit du 1 au 2, la nuit de Pessah donc, d'un certain Anderson, un nom qu'on pourrait traduire avec un peu de bonne volonté "Fils de l'homme" (le nom André vient du grec anêr, "homme", mais le Fils de l'homme des Evangiles est un rejeton du plus courant anthropos.)
Le 8 avril la fille de cet Anderson, Rima, vient quérir l'aide d'Ellery, et ils gagnent tous deux Wrightsville le lendemain, Pâques, ou 8e et dernier jour de Pessah. Un "fils de l'homme" qui a une fille nommée Rima (Mary...), qui est supposé mort la nuit de Pessah bien que son corps ne soit pas retrouvé..., ça commence à faire beaucoup, mais il est difficile d'imaginer que Dannay ait écrit Coup double avec déjà l'idée de publier ultérieurement son 8e jour...
Il est en fait difficile d'imaginer quoi que ce soit, tant d'éventuelles intentions sont subordonnées à de rarissimes coïncidences calendaires. Ainsi je crois pouvoir relier le début de Coup double (le titre original Double double étant préférable) un 4/4 à la surdétermination des 4 et des D dans le roman, mais je ne m'attends pas à semblables subtilités chez Akounine. Je rappelle son roman Le Décorateur étudié dans Rien que huit jours, qui commence le mardi saint 4 avril 1889 et s'achève la nuit pascale du 8 au 9 avril suivant, dates juliennes correspondant à la semaine sainte grégorienne du 14 au 21 avril 1889. Je ne sais si j'ai vu juste en reliant l'exécution du fou criminel à la naissance quelques heures plus tôt de Hitler, mais le vertige me prend devant le début de ce roman un autre 4/4, en fait 16 avril grégorien, qui était cette année-là Pessah. Pour un motif peu convaincant, un syndrome de répétition qui aurait conduit Jack l'Eventreur à replonger dans sa folie criminelle au soir du 3 avril julien, sa série londonienne ayant commencé un 3 avril grégorien, Akounine a donc débuté son roman par un étripement dans la nuit pascale juive...
Je présume que ce ne peut être intentionnel, ne soupçonnant aucunement Akounine d'accréditer de quelque manière que ce soit la légende des meurtres rituels attribués aux Juifs à l'approche de Pessah, triste propagande hélas toujours d'actualité.

Une dernière curiosité du 8e jour. Le mercredi, après avoir discuté avec l'homme qui a vendu le 8 avril 39 le livre Mk'h au Maître, Ellery pressent que le nombre de dollars d'argent constituant le trésor des Quenanites est important, et le verset de l'Apocalypse sur le nombre d'homme 666 lui revient à l'esprit.
Mais, bien sûr, 666 était un nombre bien trop important. Il fallait qu'il connaisse le nombre exact - il le fallait absolument. Et pour cela, il devait retourner à Quenan et compter les pièces dans l'arche sacrée.
Ellery retourne donc à Quenan, pour y découvrir le magasinier Storicai assassiné, alors qu'il s'apprêtait à voler les 30 dollars restants. Storicai avait trahi le Maître pour 30 pièces d'argent.
Au-delà de l'évidence, les 30 deniers de Judas, l'épisode donne le nombre 30 comme un nombre fatidique, à deviner, alors que ce serait précisément en l'an 30 que Judas Iscariot aurait trahi pour 30 deniers, et peut-être pas par hasard puisque l'exégèse suppose que ce nombre reflète la valeur numérique du nom hébreu Iehuda, pour frapper les esprits (l'an 30 était bien évidemment inconnu de ses contemporains, mais les Evangiles indiquent que Jésus a entamé son ministère à 30 ans).
Le "nombre d'homme" 666 a été rapporté à de multiples individus supposés maléfiques, Hitler ayant bien sûr eu sa part d'interprétations forcées. Par exemple HITLER = 666 selon un alphabet A=100, B=101, C=102... (mais pourquoi A=100, sinon pour avoir le bon compte ?)
Le récit queenien rapproche le nombre 666 des 30 deniers, or il existe une occurrence du nombre 666 dans l'Ancien Testament où, après la visite de la reine (Queen !) de Saba, il est indiqué que Salomon recevait chaque année 666 talents d'or (I Rois 10,14).
Je rappelle que Dannay était natif du premier mois de l'année (5)666.

Après la bizarre expérience relatée ici, j'ai renoncé à illustrer ce billet de crucifixions, et j'ai choisi quelques chrismes glanés sur la toile.
Le chrisme est une sorte de mandala formé des lettres du nom grec de Jésus-Christ, qui a connu de multiples formes depuis les orignes du christianisme ; c'est depuis peu le caractère unicode U2627 :

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Voici les infos promises sur les concordances Pâques-Pessah.
Cette page donne les Pâques grégoriennes le 9 avril, cette autre déjà signalée donne les correspondances dans le calendrier hébraïque.

Pâques n'est tombé le 9 avril que 3 fois en ce siècle (1939, 44 et 50), et il n'y a qu'en 44 que Pessah tombait le 8 avril. Entre la réforme grégorienne (1583) et le 20e siècle, Pâques est tombé 6 fois le 9 avril (1651-62, 1719-30, 1871-82), et aucune de ces années Pessah ne tombait le 8 avril. Il n'y aura aucune concordance non plus pour les 13 prochaines Pâques le 9 avril (2023-34-45, 2102-75-86-97, 2243-54, 2311-22-95, 2406), et ce n'est qu'en 2479 que Pâques sera le 9 avril et Pessah le 8, si bien sûr ces fêtes sont encore célébrées, et selon les mêmes calculs.

C'est dire que depuis l'instauration au rang de dogme de la fête de Pâques chrétienne (au concile de Nicée en 325), c'est en 1944 que se sont répétées pour la première fois les conditions spécifiques de la semaine sainte supposée originelle. Les dates de 326 à 1582 sont faussées par l'inexactitude du calendrier julien, qui avait dès 300 trois jours de retard sur l'année solaire. Antérieurement à Nicée, les célébrations de la mort ou de la résurrection du Christ étaient très diverses selon les Eglises.

Je n'ai trouvé nulle trace sur la toile du constat que 1944 avait été la première année répétant les circonstances de la semaine sainte originelle de 30. Mon premier essai a été de googler easter 30 1944, et le premier résultat ce 16 novembre est le récit de Gene Meese, descendu à bord d'une Forteresse Volante le 9 avril 44, qui a dû sa survie à son parachute et a passé la fin de la guerre au Stalag 17-B, ce qui n'a guère dépaysé ce canonnier de Boeing B-17 (mais il n'était pas seul dans ce cas, les prisonniers US étant volontiers dirigés vers ce Stalag 17, immortalisé par le film homonyme de Billy Wilder, dont le sergent Schulz a inspiré la série TV ultérieure Papa Schultz).

Ce 17 novembre, pendant l'écriture de ce billet, une balade du côté de Jaron m'a fait passer devant un chêne sur lequel on avait cloué deux lattes en croix de Saint-André, en Chi grec donc, esquissant un chrisme avec le tronc de l'arbre, droit comme un Iota. Isaïe 11,1 :
Un rameau sortira du tronc de Jessé...

5.11.08

Retour à Altman's Quintet

A la suite de mon billet sur Quintet d'Altman, Roland Brasseur m'a envoyé un article du n° 216 de Positif (mars 79), avec une longue interview d'Altman. L'ensemble ne peut que conforter ma première constatation, où j'avais compris d'après les sources consultées que les participants au Quintet étaient
Christopher (Saint Christopher exactement)
Goldstar
Deuca
Ambrosia
Essex
dont les initiales CGDAE forment dans la gamme anglaise une suite de quintes, la quinte étant l'harmonie musicale la plus immédiate après l'octave.
C'est un peu plus compliqué. Le Quintet est un jeu mortel où une volonté extérieure (Grigor) a choisi 6 personnes qui devront s'entretuer selon des règles complexes, et les 6 personnes sont :
Francha
Redstone
Christopher (Saint)
Goldstar
Deuca
Ambrosia
Sous cette première forme apparaissent aussi 5 initiales en quinte, FCGDA, plus un intrus, Redstone, qui est doublement intrus car il triche et tue Francha avant son tour de jeu.
Altman donne quelques indications sur le choix des noms, où Francha serait un "French A", sans plus. Aucune allusion à la gamme, alors que, curieusement, les premières lettres de Redstone pourraient se lire = D français, puisque D correspond à la note de notre gamme...
Francha est le frère d'Essex (Paul Newman), qui veut comprendre la raison de sa mort et qui prend l'identité de Redstone lorsque celui-ci est à son tour assassiné, et à partir de ce moment apparaît donc la configuration CGDAE vue précédemment, où E sera le dernier survivant, comme F avait été le premier mort de FCGDA.
Il est sidérant que parmi ces 5 figure Deuca, un nom qui selon la convention donnée sur le billet squar' dance équivaut à DEGCA, soit donc, en abîme, les initiales des 5 joueurs du Quintet après l'arrivée d'Essex.
Altman indique que Deuca serait une déformation de "Deus K", ce qui n'est pas vraiment éclairant...
Cette page en anglais donne une autre interview d'Altman sur Quintet, avec plusieurs images du film. Deuca y est mentionnée à au moins 3 reprises, mais toujours avec l'orthographe DUCA. C'est encore étonnant, puisque l'E disparu correspond à Essex, l'intrus dans le jeu.

J'avais indiqué qu'il y a 65780 possibilités de choisir 5 lettres différentes parmi 26, parmi lesquelles seules 3 combinaisons correspondent à des notes naturelles en quinte, FCGDA, CGDAE, et GDAEB, la seconde étant la plus belle puisque partant de la première note de la gamme, C (do), illustrée par de prestigieux exemples (l'opus 28 de Chopin ou l'opus 87 de Chostakovitch). Je renonce à tenter d'évaluer une probabilité pour l'ensemble des circonstances énoncées ci-dessus.
Je remarque qu'il ne manque plus que la note B (si) pour avoir une gamme complète CDEFGAB, ou dans l'ordre des quintes FCGDAEB, or le réalisateur était Bob pour ses proches.
Mieux, la famille Altman est d'origine allemande, et, si B est dans la notation anglaise si, quinte de E (mi), c'est dans la notation allemande si bémol, dont la quinte est F (fa), les autres notes étant identiques, ainsi Bob peut venir compléter les 6 participants du Quintet (une fois Essex substitué à Redstone) en amont ou en aval pour constituer une gamme complète (BFCGDAE ou FCGDAEB).

Je rappelle que les initiales des prénoms des musiciens du Quintett de Giroud sont DAENC, équivalant à DAEGC selon la convention G=N=U=sol. C'est grâce aux initiales des membres du Quintet d'Altman que j'ai pensé à cette possibilité, et c'est dans ce même Quintet que je trouve la dernière équivalence du sol, à U, avec DEUCA = DEGCA...
Le nom JUNG décline les 3 équivalences de sol, quinte de do (=C=J=Q=X).

Juste après mes découvertes sur Quintet, j'ai regardé à ma médiathèque les films d'Altman disponibles, et non loin d'ALTman la pochette du film Magnolia d'ANDerson a attiré mon attention, le magnolia étant une fleur à symétrie pentagonale, comme le jeu d'Altman. Nous avons été séduits par cette intrigue complexe mêlant plusieurs fils narratifs, et faisant une telle part aux coïncidences que Jung est volontiers cité par les commentateurs, ainsi cette récente chronique du film débute ainsi:
Carl Jung a défini la synchronicité comme "une coïncidence signifiante entre deux événements ou plus, où autre chose que le hasard est impliqué" ou, plus succinctement, "un effet sans cause." Magnolia débute et s'achève sur des références à d'extraordinaires coïncidences...

J'apprends en consultant la fiche wiki de PT Anderson qu'il a énormément appris d'Altman, lequel en revanche affirmait en avril 2002 que les deux cinéastes américains qui lui semblaient les plus intéressants étaient Wes Anderson et … Paul Thomas Anderson.
Si le ALT d'Altman signifie originellement "vieux", alt évoque plus immédiatement à l'anglophone l'altérité, l'alternative (la touche Alt pour Alternate de nos claviers), et il est fascinant que pour le germanophone ander signifie immédiatement "autre", plutôt que le prénom André (Andreas en allemand).

Ce 5 novembre, une recherche, sans rapport immédiat avec ce billet mais néanmoins liée à Jung, m'a mené vers 17 h à un blog sur CenterBlog, dont le chapeau publicitaire était le suivant:
Il s'agit de cassettes ou de DVD proposés par Price Minister, je suppose en relation avec la mort récente de Paul Newman, mais c'était tout de même une belle surprise d'avoir Quintet en tête de liste, un film peu populaire (la liste restait inchangée à gauche sur le bandeau, tandis qu'apparaissaient tour à tour à droite les produits correspondants, j'ai fait une capture d'écran au moment adéquat). Sans doute cette cassette VHS a-t-elle bientôt trouvé preneur, car vers 21 h elle était remplacée par une série de 4 DVD dont Quintet, que j'ai commandée :
J'aurai peut-être d'autres choses à dire après avoir enfin vu le film...
Le lendemain ce n'était plus Paul Newman qui était à l'actualité publicitaire de CenterBlog, mais Victor Hugo. (En fait j'ai compris depuis que ces pubs Price Minister sont ciblées vers l'utilisateur et tiennent compte de ses recherches récentes)