25.3.09

pique épique

Après mon billet du 8 janvier, j'avais déjà commencé un billet sur Fred Vargas, resté en plan comme quelques autres.
Je rappelle que j'envisageais dans D'un marteau l'autre un lien entre les deux Missions spéciales de Fandorine, Le valet de pique et Le Décorateur, le premier étant Jack of spades en anglais, le second étant Jack the Ripper, Jack l'Eventreur que Boris Akounine a imaginé être un russe revenu continuer ses exploits à Moscou, discrètement éliminé par Fandorine.
Les figures des jeux de cartes français sont personnifiées, ainsi le valet de pique y est Hogier ou Ogier, un nom qui m'évoque une coïncidence entre deux romans parus en 2000 :
- La promesse de Melchior (mai 2000), d'Alain Demouzon, où le commissaire Jean-François Melchior enquête sur un tueur en série. Ce tueur se sentant en danger tue une amie de Melchior, Hélène Ogier, pour le déstabiliser. Il la tue selon le rituel de ses autres meurtres, ligotage avec de la corde bleue, morsures, prélèvements de cheveux et poils, bien qu'elle ne corresponde pas au profil de ses proies, de jeunes vierges.
- Les quatre fleuves (novembre 2000), roman graphique de Fred Vargas et Baudoin, où le commissaire Jean-Baptiste Adamsberg enquête sur le tueur en série surnommé Le Bélier, qui massacre ses victimes à coups de serpe et leur écrabouille le visage à la masse. Le jeune Vincent Ogier pique au Bélier une sacoche contenant les preuves de ses crimes, le tueur le retrouve et le tue, sans respecter le rituel de ses autres meurtres, puisque Ogier ne répond pas au profil de ses victimes (Scorpion ascendant Scorpion), mais en laissant sa signature, un bélier stylisé.

Deux histoires parues la même année de tueurs en série tuant chacun un Ogier en dehors de leurs séries respectives, de quoi éveiller mon attention, d'autant qu'il existe un jeu où Ogier, le Valet de Pique, est l'intrus, le Pouilleux (ou Vieux Garçon, Mistigri, Valet Noir, l'intrus pouvant être aussi le valet de trèfle). Il se joue avec un jeu de 32 ou 52 cartes dont on ôte les 3 autres valets. Après distribution des cartes, chaque joueur pose sur la table les paires qu'il peut former. Ensuite chaque joueur fait tirer une carte de son jeu à son voisin, les paires formées sont éliminées, jusqu'à ce qu'il ne reste qu'une carte au perdant, l'affreux Ogier. Dans la variante familiale que je subissais jadis, les autres joueurs pointaient alors un index comminatoire vers le perdant, en clamant en choeur "C'est l'Pouilleux !"

J'ai rencontré Demouzon et Vargas en juin 2001, à l'occasion d'un salon du polar où de nombreux auteurs étaient conviés. J'avais déjà correspondu avec Demouzon à propos de ce roman et d'autres, j'y reviendrai. Concernant Ogier, il n'a pu que me répéter ce qu'il m'avait déjà écrit, qu'il choisissait les noms de ses personnages dans l'annuaire, en variant les initiales.
Le stand de Fred Vargas était proche du mien, et elle y était bien plus sollicitée. J'ai néanmoins profité d'une accalmie pour m'entretenir quelques instants avec elle. Elle ne connaissait pas le roman de Demouzon, elle ne se rappelait plus comment elle avait choisi le nom Ogier, et je crois lui avoir appris que c'était le nom du valet de pique.

Lorsque j'ai lu par la suite Sous les vents de Neptune, j'ai pu me demander si je n'étais pas pour quelque chose dans l'idée d'un assassin choisissant ses victimes pour leurs noms correspondant aux éléments d'un jeu, mais l'idée n'est pas inédite, et elle a notamment été exploitée par...
...Demouzon, dans 822 contre Bouclard, une des énigmes du Crime de la porte jaune, où l'assassin tue successivement un Bauer (nom allemand du pion aux échecs), un Knight , un Lévêque, une Castel (knight, bishop et castle noms anglais des fou, cavalier et tour), et une Reine. Comme le Trident de Vargas, le coupable comptait finir sa série par lui-même, Evariste Rey (rey, roi espagnol).

J'avais encore remarqué que le tueur de Vargas est le Bélier, tandis que celui de Demouzon est un Loup; il se nomme Antoine Wolf ("loup" anglais ou allemand), et a effectivement tout du grand méchant loup, comme il le sera montré plus loin. C'était alors un détail qui me semblait mineur, mais un peu de mémoire m'aurait permis d'entrevoir plus avant l'extrême intrication entre les oeuvres de Vargas et de Demouzon.
Pour ma décharge, j'avais peu apprécié L'homme à l'envers, premier grand succès de Vargas (mars 1999), où mon habitude des codes du polar m'avait fait démasquer le coupable dès les premières pages, aussi en avais-je bâclé la suite de la lecture.
Si je n'étais tout de même guère excusable d'avoir oublié que ce coupable était supposé être un loup, un loup-garou tuant des brebis et des hommes, une relecture m'a fait sauter aux yeux qu'un des membres de l'improbable trio qui traque ce loup-garou est un Melchior, un nom tout de même peu courant, et que dire alors de deux Melchior traquant chacun son loup dans deux romans publiés à un an d'intervalle ?
Certes Melchior n'est qu'un élément secondaire du nom complet du personnage, Soliman Melchior Samba Diawara, mais ce nom est donné à diverses reprises, et Soliman déclare à une occasion s'appeler Melchior tout court (pour alerter ses amis).

A signaler tout de même que Demouzon avait créé le personnage du commissaire Melchior avant que ce Melchior, fils adoptif de la première victime du loup-garou dans L'homme à l'envers, parte à sa chasse.
C'est aussi pour des raisons familiales que Melchior, sans mandat officiel, se lance sur la piste de l'assassin de la jeune Mariette Pontel, fille d'amis de sa cousine. Et son enquête gênant le "Loup" (Antoine Wolf) conduira donc le tueur à tuer l'amie de Melchior, nommée Ogier, tandis que le tueur du roman suivant de Vargas, le Bélier, exécutera aussi un Ogier
J'ai contacté Demouzon à la suite d'une relecture de Monsieur Abel (1979), où j'avais vu un beau schéma que l'auteur n’a pas reconnu comme intentionnel : cet ABEL, retraité dont on ne connaît que ce (pré)nom, décèle une série criminelle dans les morts qui surviennent dans sa petite ville, et les morts se prénomment, dans l'ordre où ils sont identifiés,
Augustin Bravier,
Bernard Noé,
Elisabeth Raguenaud,
Liliane Raguenaud,
initiales ABEL ! Abel vient finalement accuser celui qu’il estime responsable de la machination, lequel a tôt fait de lui démontrer l’inanité de sa construction : il a pris pour des meurtres un suicide, un accident et une mort naturelle, et c’est son enquête qui a provoqué l’assassinat effectif de Liliane… Abel rentre chez lui et se pend.

J'avais donné à Demouzon une des brochures que j'auto-éditais alors, où il était question de l'acrostiche ABEL comme du MKH (Mein Kampf Hitler) imaginé par Queen dans Et le huitième jour... Et voici que paraît La Promesse de Melchior en 2000, où je découvre, dans l'ordre où ils sont abordés, les meurtres de 3 femmes, les seules victimes identifiées de Wolf:
Mariette Pontel,
Karen Richeaume,
Hélène Ogier,
initiales MKH ! Je ne doute alors pas que Demouzon m'ait rendu hommage, et étudie ensuite les noms des victimes, donnant l'acrostiche PRO, comme la PROmesse du titre...
Puis je lis Perrault dans l’épellation de ces initiales P-R-O, Perrault auteur de Barbe-Bleue, conte inspiré par Gilles de Rais, or Wolf habite le pays de Retz, à Pornic, où Gilles de Rais avait un château, et le personnage est volontiers assimilé au loup-garou. PORnic débute encore par les initiales des noms des victimes; la localité est en fait nommée Saint-Marcellin-les-Grèves dans le roman, mais qui connaît la région y identifie sans peine Pornic (ce qui sera la seule chose que Demouzon admettra de mes spéculations, sans toutefois s'expliquer sur ce travestissement).

Le loup le plus connu de Perrault est plutôt celui qui a mangé le Petit Chaperon rouge.Image hébergée par Casimages.com : votre hébergeur d images simple et gratuit Alerté par les possibilités des noms des victimes,
Pontel-Richeaume-Ogier,
j'ai permuté leurs lettres jusqu'à obtenir
Le Chaperon Rouge imité
exacte anagramme me confirmant un jeu fort subtil de la part de l'auteur...
...qui a nié l'ensemble de mes spéculations, ici présentées au plus bref, tout en s'étonnant de leur pertinence, et en m'informant de quelques autres détails, le plus troublant étant que Demouzon voulait intituler son roman Melchior et le fil bleu, en référence au "fil rouge", ou point commun d’une série quelconque, mais l'éditeur n'a guère apprécié cette ficelle. Ainsi les petites demoiselles bleues mordues par Wolf avaient bien une relation immédiate au rouge...
Si donc tout ceci n'avait rien d'intentionnel, ce qui me comble d'aise, Demouzon en a été impressionné et m’a gratifié d'une discrète allusion dans son roman suivant, Melchior en Automne, où le commissaire rencontre la sœur de la Richeaume assassinée par Wolf, qu’il compare à un petit chaperon rouge…

Quelques brèves indications montreront que mes "décodages" de Demouzon n'avaient rien d'absurde, ainsi son Quidam (1980) est clairement une version moderne de La Belle au bois dormant, et les énigmes du commissaire Bouclard utilisent toute la panoplie des jeux de langage, comme l'acrostiche dans Animaux de compagnie, et l'anagramme dans Jeux de mots, jeux de vilains, où un tueur de dames de petite vertu révèle aux enquêteurs son nom et son adresse, sa rue de L'ETOILE étant notamment codée par l'anagramme de OEILLET.

Or chez Vargas, l'une des victimes du tueur de femmes de Sans feu ni lieu (1997) habite cette même rue de l'Etoile, choisie comme les autres localisations d'après un poème de Nerval, avec probablement une astuce intime de l'auteur comme indiqué dans le dernier billet.

Je n'ai pas vu d'anagramme immédiate dans ce roman, mais il est remarquable que ce tueur parisien vienne de NEVERS, où il a commis une autre série de crimes, tandis que le prochain roman de Vargas sera L'homme à l'ENVERS !

Quant au fil bleu du Wolf tueur de vierges, gardant en souvenir des cheveux et poils de ses victimes, il évoque les traces de cirage bleu accompagnant les assassinats de vierges dans Dans les bois éternels, le Vargas cru 2006, et les profanations de leurs tombes trois mois plus tard pour récolter leurs cheveux poussés après la mort...
La coupable, qui entendait dérouter les enquêteurs par ce "fil rouge" bleu, se prénomme Ariane.

C'est encore une Ariane qui est le "fil rouge" reliant les vraies proies du loup-garou de L'homme à l'envers, qui sont toutes trois des amants de la mère du tueur, Ariane Germant.

Si le nom de la femme de Barbe-Bleue n'est pas donné par le conte, Dukas et Maeterlinck l'ont baptisée Ariane dans leur opéra Ariane et Barbe-Bleue, dont l'argument est assez éloigné du conte originel. Il y a 5 épouses précédentes de Barbe-Bleue, toujours en vie mais prisonnières, et leurs noms sont propres à combler l'amateur babélien d'acrostiches :
Sélysette (mezzo-soprano)
Ygraine (soprano)
Mélisande (soprano)
Bellangère (soprano)
Alladine (rôle muet)
Dans l'ordre donné par le livret, ils forment SYMBA, or SIMBA est le nom du lion dans plusieurs langues africaines (et celui du Roi Lion). Google donne beaucoup de résultats avec cette orthographe, c'est notamment le nom d'un groupe funk californien qui a enregistré un album en 1980, dont la pochette est éloquente. Voyant que le 4e morceau de la seconde face dure 4'44", je le cherche sur YouTube, mais n'y trouve que le 1er morceau, Hold on, 7:34 sur le disque, coupé ici à 4:44...
Je rappelle que mes recherches sur Babel-Sesak m'ont mené au lion russe львев et au lion tokharien śiśäk, ce qui m'a fait découvrir le château triangulaire de Sisak.Le Triangle St-Marcellin_St-Quentin_St-Etienne Or j'avais vu que les lieux des trois crimes MKH ou PRO de La Promesse de Melchior dessinaient un presque parfait triangle équilatéral dans notre hexagone, voir ci-contre la carte GoogleEarth, avec bien sûr Pornic au lieu de l'imaginaire St-Marcellin.
Mon amie dp a eu la curiosité de faire des recherches sur le nom Adamsberg, qui s'avère étonnamment peu connu en dehors du personnage du commissaire vargasien.
Une requête correctement formulée mène à l'ancien nom allemand d'une montagne de Ceylan, Sri Pada, "le Pied Sacré", Adam's Peak, Adamspik, Pic d'Adam, lieu sacré pour 4 religions, à cause d'une empreinte de pied géant à son sommet, qui serait selon les hindouistes celle de Shiva, selon les bouddhistes celles de Bouddha, selon les chrétiens celle de saint Thomas, et enfin selon les musulmans celle d'Adam.
Une montagne quadruplement sacrée, à Ceylan au-dessus de laquelle Jung se baladait dans ses visions de 44..., et revenant à plusieurs reprises dans ce blog avec le Pont d'Adam !
Mieux, les visiteurs peuvent prendre un sacré pied le Triangle des Bermagdasà l'aurore au sommet de ce Pic d'Adam, dont le cône triangulaire se projette pendant quelques minutes sur les nuages et les vallées environnantes. J'ai d'abord pensé que cette image était un trucage, une surimpression analogue à ce que j'avais réalisé avec l'Etoile de Babel, fondant les châteaux triangulaires de Wewel et Sisak, mais on en trouve aisément d'autres photos.

Sri Pada, nom sanskrit d'Adamsberg ou d'Adamspik, offre un curieux écho au vrai nom de l'homme à l'envers, le loup-garou, Padwell, avec well signifiant "bien", un des sens du sanskrit Śrī. qu'on sert PADLOUPCe Padwell-Johnstone est un spécialiste des ours et des loups, et donc quelqu'un qui sait reconnaître leurs empreintes, leurs traces. Il évoque page 95 une grosse empreinte de patte repérée près du mont Vence.
Ce mont Vence est inconnu dans le Mercantour, comme le hameau des Ecarts où commence la piste sanglante du loup-garou, avec l'égorgement de la mère de Soliman Melchior. ECARTS est l'anagramme de TRACES, comme de CARTES.

Tout ceci m'amène au point culminant, au pic de cette Quel panard !page épique. On sait que les soeurs Vargas ont emprunté leur pseudo à la danseuse espagnole Maria Vargas, La Comtesse aux pieds nus. Or en espagnol les lettres B et V ont une prononciation quasi identique, ainsi VARGAS = BARGAS, lettres toutes présentes dans ADAMSBERG, laissant de reste les lettres DME, premières lettres de DEMouzon, sa cote dans les bibliothèques.
Ainsi le principal personnage créé par notre "reine du polar" a-t-il pour anagramme BARGAS + DEM, le nom de sa créatrice et la cote de celui qui fut dans les années 70 un autre "roi du polar", et qui a toujours son rang dans cette littérature, avec sa série des Melchior, un nom de roi mage, dérivé d'ailleurs du sémitique melech, "roi".
Il me semble qu'on a pu affubler Demouzon du diminutif Dem' (dans Métal Hurlant), ce qui n'aurait sans doute guère été de son goût, attendu qu'un écrivain catho signait du nom de plume Marc Dem.
Consultant sa fiche wiki, quelques minutes après avoir comparé Adamsberg à Padwell, je découvre que ce Dem a écrit 3 polars sous le pseudo Mark Demwell.

Quelques petites choses que je n'ai pu caser dans le fil principal :
Un lien privilégié entre Abel et Barbe-Bleue est le personnage Abel Tiffauges du Roi des Aulnes, de Michel Tournier. Quelques détails du roman donnent à penser que ses initiales AT ("athée") n'étaient pas indifférentes à l'auteur. Tiffauges est le château principal de Gilles de Rais, et mes investigations sur le triangle des crimes de Wolf m'avaient fait constater que, en partant des villes réelles de St-Quentin et St-Etienne, un triangle idéalement équilatéral aurait eu son troisième sommet à mi-distance entre Pornic et Tiffauges, les deux châteaux de Barbe-Bleue...

Chez Demouzon Ogier se prénomme Hélène, qui est l'un des noms de la dame de coeur (le plus souvent Judith, mais je me rappelle de jeux avec Hélène). Chez Vargas Ogier est tué par un Roland (Vinteuil), un des noms du valet de carreau (le plus souvent Hector).

Dans Le premier né d'Egypte, second polar de Demouzon, un tueur (manipulé) signe ses crimes en envoyant à ses victimes une dame de pique, en référence à leur faute originelle, un jeu sadique en mai 1944 (!) où elles ont obligé un jeune homme à tirer au sort sa vie ou sa mort, signifiées par les dames de coeur et de pique.

Sollicité par la revue Caïn, j'ai créé en 2001 le personnage récurrent de l'As Depic, et écrit en hommage aux victimes ABEL de Demouzon sa seconde aventure, Le cas Nard, où 4 soeurs d'initiales CAIN tuent un BELA. Si je pensais à Bartok, compositeur du Château de Barbe-Bleue, la présence d'une dame de pique au centre d'un mandala découlait du nom de mon personnage, créé avant de penser à cet hommage à Demouzon.
Mes criminelles étaient les SOEURS MORDYLAN, anagramme de RAYMOND ROUSSEL, auquel j'ai consacré une étude sur les acrostiches, avec notamment les 8 premiers vers d'un poème donnant pour acrostiche UDENAEAP, anagramme de PEAU D'ÂNE, un autre conte de Perrault...

Le billet commencé il y a deux mois se limitait à cette vidéo :

12.3.09

Richelieu Indre-et-Loire

pour Siriane, née le 12/3/8

J'ai relu depuis le dernier billet quelques romans de Fred Vargas, venus confirmer qu'elle concerne au premier chef mes intérêts quaternitaires.
Je constate une claire évolution de son oeuvre vers les thèmes ésotériques, traités d'abord rationnellement, puis de moins en moins, évolution telle qu'il était logique de voir apparaître le vampirisme, si logique d'ailleurs que j'avoue ne pouvoir imaginer ce qui viendra ensuite.
J'évoquais dans le dernier billet l'anagramme, et ce semble bien être, avec le vampirisme, un fil conducteur pour les coupables des 6 romans à partir de 1999:
- 1999: L'homme à l'envers, chasse au loup-garou, souvent nommé "vampire" par les protagonistes. Le coupable est prénommé LAWRENCE (Lawrence Donald Johnstone, dont le vrai nom est Stuart Donald Padwell).
- 2000: Les quatre fleuves, un tueur astrologue et ésotériste, qui puise sa force de ses victimes, et qui se prénomme ROLAND (Roland Vinteuil). C'est une anagramme phonétique de LAURENT, forme française du prénom du tueur précédent, dont une orthographe existante est d'ailleurs LORAND, exacte anagramme alphabétique de ROLAND.
- 2002: Pars vite et reviens tard, la peste, souvent associée au vampirisme depuis le Nosferatu de Murnau. Celui qui se venge en répandant la peste se prénomme ARNAUD (Arnaud Damas Heller-Deville, se faisant appeler Damas Viguier), dont une autre forme est ARNOLD, exacte anagramme de ROLAND.
- 2004: Sous les vents de Neptune, un mort-vivant, qui tue bien qu'il soit déjà enterré depuis 16 ans, qui étripe ses victimes mais qu'Adamsberg appelle plutôt improprement "empaleur", comme le Dracula historique surnommé Vlad Tepes, Vlad l'Empaleur (tiens TEPES est l'anagramme de PESTE). Le vrai nom du tueur est ROLAND Guillaumond.
- 2006: Dans les bois éternels, une autre tueuse ésotériste, engagée dans un rituel la menant à la vie éternelle. Une intrigue secondaire montre Adamsberg suspecté d'avoir torturé (et étripé) à 13 ans un garçon de 8 ans; le coupable était en fait un ROLAND (Roland Seyre, ceci dans le même village où le ROLAND précédent avait commis un étripage attribué au frère d'Adamsberg).
- 2008: Un lieu incertain, enfin, avec le vampirisme en clair. Le coupable est un descendant de ARNOLD Paole, "vampire" historique, Paul Josselin de Cressent.

Lawrence-Roland-Arnaud-Roland-Roland-Arnold, et qui ne voit pas le fil pourra demander de l'aide au coupable principal des Bois éternels, Ariane Lagarde... Parmi les 6 romans précédents, deux autres coupables peuvent s'intégrer à la série, en fait dans les deux premiers romans, James Arnold Gaylor dans Les jeux de l'amour et de la mort (1986), et Lorenzo Vitelli dans Ceux qui vont mourir te saluent (écrit en 1987).

La redondance des Roland me paraît inconsciente, justement à cause de leur proximité. A noter que les 3 Roland sont des êtres totalement négatifs, tandis que les autres coupables accomplissent des vengeances justifiables, qu'ils mènent d'ailleurs à leur terme théorique, avec une étrange similitude dans leurs palmarès effectifs malgré des conditions initiales différentes:
- Lawrence a 3 hommes à exécuter, et y parvient, mais son plan lui a fait sacrifier 2 victimes innocentes, total 5 morts;
- Arnaud a 8 personnes sur sa liste, qu'il croit avoir toutes condamnées en leur inoculant la peste, mais il ignore que ses puces sont inoffensives et que les morts sont causées par des tiers, arrêtés alors qu'il n'y a eu que 5 morts effectives;
- Le descendant d'Arnold a 5 "Plog" à éliminer, et y parvient, sans dégâts collatéraux.

Je rappelle donc que, quoi qu'il en soit des intentions de Vargas, elle n'a pas inventé le nom d'Arnold Paole, ni que le premier vlkoslak, "vampire", soit apparu à Kisilova, peu avant et non loin de cet Arnold, et je dois à la discrète et indispensable dp une remarquable info dans la veine vampiro-anagrammatique.
Je citais dans le dernier billet Carmilla (alias Marcilla et Mircalla), en tant que première histoire littéraire vampirique (1871), mais elle me signale bien antérieur, avec, cocorico!, La Guzla, de Mérimée (1827). Il s'agit en fait à l'origine d'un pastiche, attribué à un poète illyrien, réitérant un autre coup de maître du jeune Mérimée qui, en 1825, avait publié à 23 ans Théâtre de Clara Gazul, recueil de pièces d'une prétendue jeune comédienne espagnole, nièce d'un non moins prétendu officier pendu en 1813 par les Français, Gil Vargas.
On sait que Frédérique Audoin-Rouzeau a choisi le pseudo déjà utilisé par sa jumelle, la peintre Jo Vargas, emprunté au personnage d'Ava Gardner dans La Comtesse aux pieds nus. Rien à voir donc avec cette nièce Vargas, dont le nom Gazul sera anagrammatisé par Mérimée en Guzla, pour un recueil de légendes et poésies illyriennes où les vampires sont abondamment présents.
Mérimée y recopie des passages du traité de Dom Calmet, comme la légende de Kisilova, où le nom du vampire n'est pas cité, et l'histoire d'Arnold Paul, relatée en détail, puis imagine une anecdote dont son personnage aurait été témoin, survenue dans la famille Poglonovich, nom probablement issu du vampire de Kisilova, Plogojowitz; ainsi Mérimée aurait, 180 ans avant les "Plog" de Vargas, conçu une histoire de "Pogl"...

Concernant l'anagramme vampirique, il m'est souvenu qu'une des premières "vamps" du cinoche fut Musidora, interprète de IRMA VEP dans Les VAMPIREs de Feuillade (1915).

Il est encore curieux que le début et la conclusion de Un lieu incertain concernent Londres, LONDRA en roumain, comme chacun sait langue de prédilection des vampires, autre anagramme de ARNOLD (le roman s'ouvre sur la découverte de 17 pieds coupés à la porte du cimetière de "Higegatte", déposés donc par le descendant d'Arnold).

J'en viens à mon sujet principal, Sous les vents de Neptune, que je n'avais guère aimé en 2004, en partie peut-être parce que je l'avais lu juste après Pars vite et reviens tard, si totale réussite qu'il était difficile de rester au même niveau. Je me souviens avoir pensé à l'époque à des contraintes d'écriture : ainsi la scène grotesque de la "cavale" d'Adamsberg, caché à califourchon dans le dos de Violette, après un incompréhensible passage par Detroit, ne cachait-elle pas un jeu rousselien, Cheval de Troie-Cavale Detroit ?

Libéré du souci de suivre les méandres d'une intrigue alourdie d'épisodes semblant inutiles, j'ai discerné une nette redondance de certains nombres, à savoir 4, 8 et 44, en laissant de côté le 3 du trident arme des crimes, mais précisément le modus operandi de l'assassin lui fait utiliser 4 outils pointus identiques, 3 qu'il soude aux branches de son trident, et le 4e laissé sur place entre les mains d'un suspect idéal passera pour l'arme du crime.
La police scientifique est incapable de discerner la régularité des blessures, malgré les alertes réitérées du rêveur Adamsberg, à contre-emploi dans un rôle de calibreur obsédé par une précision millimétrique...

Une liste détaillée des occurrences des nombres en cause serait fastidieuse, et je m'en tiendrai à deux passages.
Le roman débute le 4 OCTObre (ou 4-HUIT), par une série de 4 événements perturbant Adamsberg, jusqu'au moment où il en saisira le point commun:
- un journal feuilleté machinalement en discutant avec Danglard;
- 3 documents fixés côte-à-côte par des punaises rouges,;
- une serveuse au restaurant équipée d'une fourchette à 3 dents;
- un panneau annonçant une exposition de peinture au Grand-Palais, jusqu'au 17 décembre (la Saint-Lazare soit dit en passant), avec un tableau représentant Neptune.
Il consulte un vieux manuel, y voit Neptune et son trident, se couche et se réveille vers 4 heures du matin. Ses bras se mettent à trembler, rien de commun avec les quatre précédentes tornades. Il cherche de l'alcool et trouve une bouteille de genièvre à 44°, dont il avale deux verres. Il revient au bureau étudier le journal feuilleté quelques heures plus tôt, et y découvrir ce qui l'avait alerté subliminalement : la photo d'une jeune fille assassinée en Alsace et de sa triple blessure au ventre, marque du Trident, du juge Fulgence, l'abominable tueur né en 1904 qu'il a traqué inlassablement, jusqu'à sa mort en 1987, 16 ans plus tôt. Celui qu'il appelle le diable a tué 8 personnes, de 1949 en Loire-Atlantique (44) jusqu'à 1983 en Charente (16), sans jamais être inquiété, pour 4 raisons distinctes énumérées par Adamsberg.
4 photos transmises d'Alsace lui confirment que le crime est absolument identique à ceux du juge qui, s'il n'était mort, aurait actuellement 99 ans...

Intermède au Canada, dont Adamsberg revient en cavale, accusé de meurtre, couvert par le divisionnaire Brézillon qui lui a fourni de faux papiers au nom de Denis Lamproie.
Il découvre que quelqu'un qui ressemble au juge a commis 4 meurtres au trident depuis 87, dans 4 lieux où il a loué des châteaux ou manoirs sous des identités évoquant la grandeur et la clarté : Alexandre Clar, Lucien Legrand, Auguste Primat, Maxime Leclerc.
Curieusement, "lamproie" fait entendre les mots "lampe" et "roi", et c'en est exacte anagramme...
Adamsberg-Lamproie demande l'exhumation, le cercueil ne contient qu'un sac de sable...
J'indiquais dans le billet précédent que cette exhumation à Richelieu fait sens pour Fred Vargas, fille de Philippe Audoin, surréaliste spécialiste de l'étrange Maurice Fourré, auteur à la fin de sa vie de 4 romans symbolistes, dont le second, La marraine du sel, se passe à Richelieu.
Or le premier se passe dans un hôtel de la rue Delambre, et le roman précédent de Vargas tourne essentiellement autour du carrefour Edgar-Quinet-Delambre, où elle évoque une "colonne Morris" inexistante, colonne significative pour un lecteur du roman de Maurice dont l'édition originale affichait une colonne, la colonne Saint Cornille de "Tonton Coucou"...
Ma relecture de Neptune apporte une éclatante confirmation, avec la résidence précédant l'établissement du juge à Richelieu, la Tour-Maufourt (qu'on cherchera aussi vainement en Charente qu'une colonne Morris sur la place précitée), Mau-Four premières syllabes de Mau-rice et Four-ré.
Avec moins de certitude, les noms évoquant grandeur et clarté pourraient se rapporter aux deux autres prénoms de Maurice, Jules (un autre empereur) et Philibert ("très brillant").

Après l'exhumation, Adamsberg reste à l'hôtel à Richelieu, où il réfléchit sur les noms des victimes du juge:
Ventou et Soubise émergeaient, venant se ranger auprès de Wind et Autan. Quatre évocations du vent. Adamsberg (...) dressa la liste des victimes, cherchant des rapports entre leurs douze noms, mais hormis ces quatre souffles d'air il ne décelait aucun autre lien.
Le vent. L'Air. L'un des Quatre Eléments, avec le Feu, la Terre et l'Eau. Le juge avait pu chercher à rassembler une sorte de cosmogonie le rendant maître des quatre éléments. Le rendant dieu, comme Neptune avec son trident, ou Jupiter avec sa foudre.
A noter qu'Adamsberg, dans la cité "cardinale", ne penseillustration par Raban Maur de la correspondance des 4 lettres grecques ADAM avec les 4 régions du monde pas aux Quatre Vents, aux Points Cardinaux, alors qu'une lecture classique du nom Adam voit dans ses 4 lettres les initiales des 4 directions en grec, Anatolê, Dusis, Arktos, Mesembria (Est, Ouest, Nord, Sud). La première phrase du récit à Richelieu décrit Adamsberg portant un bonnet arctique.
Ne tirant rien d'autre des noms des victimes, Adamsberg repense au témoignage d'un médecin qui a soigné le mort-vivant en Alsace, et qui lui voyait 15 ans de moins que les 99 donnés par l'état civil,
Mais que pouvait faire un état civil au diable ?
Il sort de l'hôtel et déambule dans les rues droites de Richelieu, jusqu'à un parc où se dresse une statue du cardinal.
Vingt-cinq ans en 1944 et non pas quarante. Pourquoi 1944 ? Adamsberg leva les yeux vers le visage du cardinal, comme s'il attendait de lui une réponse. Tu le sais fort bien, jeune homme, sembla lui confier l'homme en rouge. Bien entendu qu'il le savait, jeune homme.
1944. Un meurtre à trois coups, en ligne droite, mais qu'il avait dû éliminer de sa moisson en raison de l'âge beaucoup trop jeune du coupable, vingt-cinq ans et non pas quarante.
Ainsi Adamsberg a fait trois découvertes successives:
- 4 vents
- 4 éléments
- 1944
qui m'évoquent évidemment aussitôt le 4/4/44, le 4 avril 1944, la date clé où Jung est entré en convalescence tandis que le docteur qui l'avait sauvé se couchait pour ne plus se relever. Jung voyait cette mort correspondre symboliquement au foudroiement par Jupiter d'Esculape, coupable d'avoir outrepassé ses fonctions de guérisseur en ramenant des hommes ayant franchi les portes de la mort, et le trident du juge est à maintes reprises assimilé à la foudre de Jupiter, comme dans la citation ci-dessus et l'illustration ci-contre...
Je n'imagine pas Vargas avoir eu Jung en tête, le 4/4/44 représentant une répétition de 4 en parfaite cohérence avec la logique de son récit, et ce ne serait qu'un hasard minime s'il ne venait s'y greffer une coïncidence de la plus extrême précision. Le juge est donc en fait Roland Guillaumond, qui a étripé sa mère le 12 mars 1944, âgé de 25 ans, au moment même où Jung était entre la vie et la mort. C'est la seule date donnée sous cette forme, avec celle du décès officiel du juge, le 19 novembre 1987.

Le juge était plus jeune (jung) qu'il n'y paraissait, et, sans autre précision, il aurait été maximalement jeune s'il avait eu exactement 25 ans ce 12 mars 44, s'il était donc né le 12 mars 1919, or du 12 mars 1919 au 19 novembre 1987, il y a exactement autant de jours (25088 jours pleins, ou 4 fois 6272), que du 26 juillet 1875, naissance de Jung, au 4/4/44, l'une des seules dates données dans Ma Vie..., celle de son retour parmi les vivants 6272 jours avant sa mort effective.

Soit 17 ans et quelque, et le juge réapparaît 16 ans après sa mort présumée, encore en parfaite santé. Comme il échappe aux flics à la fin du roman, on peut supposer qu'il vivra aisément jusqu'au 20 janvier 2005, 6272 jours après sa fausse mort du 19/11/87.
Il achèvera de toute manière en mourant son entreprise, réunir une main gagnante au jeu de Mah-Jong, soit 14 honneurs répartis en 4 brelans et 1 paire. Carrément le Mah-JONG, dont une autre graphie est d'ailleurs Mah-JUNG, et jong signifie "jeune" en néerlandais...
Et puis cette main gagnante qui est une quintessence, 4+1 combinaisons... Je me prête volontiers au jeu, avec cette tentative de reconstitution du schéma symbolique de l'entreprise, en remplissant quelques blancs laissés par Vargas:
- 12 mars 1919 : Marie Guillaumond accouche de Roland, épreuve si terrible qu'elle refusera ensuite son corps à son mari Gérard, dont elle pourrira la vie par tous les moyens possibles, notamment en le déclarant chaque soir incapable de réussir une "main d'honneurs", lors de la partie obligatoire de Mah-Jong.
- 12 mars 1944 : après la mort de son père Gérard, Roland embroche Marie avec le trident paternel. Ce sera la première tuile de sa main d'honneurs, un Dragon vierge.
- de 1949 à 1983 : sous l'identité du juge Fulgence, constitution de 4 paires d'honneurs, Dragons rouges, Dragons verts, Vents du nord, Vents du sud, par l'étripage de victimes aux noms adéquats, avec le trident légèrement modifié.
- 19 novembre 1987 : mort du juge Fulgence, non pour échapper à la traque dérisoire d'Adamsberg, mais pour des raisons symboliques profondes.
- de 1993 à 2003 : 4 crimes sous de nouvelles identités, complétant les paires précédentes en brelans (kung).

- 20 janvier 2005 : ultime achèvement, Roland Guillaumond s'éloigne en canot du Mas Jung (nom de la propriété de Jose Maria Sert, tel qu'orthographié dans La vie secrète de Salvador Dali), loué sous sa véritable identité, saborde le canot au large, et s'immole avec le trident originel du Père Gérard, constituant avec sa Mère Marie la paire de Dragons vierges complétant la main gagnante MA JUNG (car le JUGE, bien entendu, était resté puceau). Ce dragon est encore le basilic, qui se foudroie en tournant son regard meurtrier vers lui-même, le basilic également présent chez Fourré, où Basilic Affre tue son double le baron Tête-de-Nègre, figure du Diable...

Et Fourré dans tout ça, justement ? Je rappelle que je me suis intéressé à Four-ré à cause de son nom, lu 4-d, soit 4-4, et de ses 4 romans. Or ces romans ont été écrits dans la cinquième partie d'une vie (1876-1959) chevauchant étroitement celle de Jung (1875-1961).
Ceci m'a conduit à calculer la durée de vie de Fourré, né le 27/06/1876, mort le 17/06/1959, soit exactement 30303 jours pleins, nombre étrangement symétrique, immédiat écho au trident du juge vargasien...
Les 4/5es de la vie de Fourré seraient tombés le 12 novembre 42. S'il est difficile de relier cette date à un événement précis de sa vie assez peu documentée, je remarque que ce jour sont sortis deux films aux noms voisins, Frédérica de Jean Boyer et Patricia de Paul Mesnier; ce dernier est l'histoire d'une jeune fille élevée avec 4 orphelins adoptés par sa tante...
Fourré se proclamait Nantais de coeur, et le juge Fulgence débutera sa carrière fulgurante dans ce département 44, où il rendra la justice de 49 à 59, et étripera trois personnes.

Fourré était déjà nettement présent dans les romans de Vargas précédant son évolution "ésotérique". C'est ainsi que dans Un petit peu plus loin sur la droite (1996), on présente à Louis le jeune Gaël, contemplatif irréfutable (page 169), qu'il se remémore ensuite en rêveur définitif (page 210), claire allusion au livre consacré par Audoin père à Fourré.
Dans Sans feu ni lieu qui a suivi en 1997, un tueur s'inspire du sonnet de Nerval El Desdichado pour tuer des femmes square d'Aquitaine (Le Prince d'Aquitaine), rue de la Tour-des-Dames (à la tour abolie), et rue de l'Etoile (Ma seule étoile est morte).
Les enquêteurs amateurs (Louis et les 3 évangélistes) ayant compris le truc tentent de deviner le lieu du 4e crime, sachant qu'il vient ensuite dans le sonnet le soleil noir..., qui est aussi l'éditeur du livre d'Audoin père. Ils imaginent 3 rues possibles, mais le meurtrier en a choisi une 4e, où il sera néanmoins appréhendé, saint Marc ayant deviné qu'il s'agit de Paul Merlin, or un fourréphile notoire est Claude Merlin, auteur et metteur en scène d'une adaptation de La nuit du Rose-Hôtel. Sans raison évidente, sinon qu'il y a des prostituées et donc des Eros-hôtels dans la rue Delambre (du Rose-Hôtel fourréen), le roman de Vargas commence et s'achève dans cette rue par des dialogues entre deux horizontales.
Si la plupart des allusions à Fourré semblent anecdotiques, l'énigme du Soleil Noir est ici au coeur de l'intrigue, et elle est triplement associée à des quaternités jungiennes 3+1 (les enquêteurs, le 4e crime, ses 4 localisations).

Voilà. Je suis désolé du côté hétéroclite de ce billet, dont l'écriture a été perturbée par la découverte des possibilités jungiennes de la date du 19/11/87, ce qui a bouleversé un vague plan prévu au départ, et rejeté au prochain billet d'autres approfondissements sur l'oeuvre de Vargas.
Je suis le premier ébahi du retour du 4/4/44 sous ses diverses formes, mais néanmoins conduit à constater une certaine logique dans l'irrationnel, en parfaite continuité par exemple avec la dernière enquête d'Adamsberg à la latitude 44°44'.
Je rappelle que ma découverte du schéma du 4/4/44 aux 4/5es de la vie de Jung m'est venue plutôt bizarrement, imprimée dans ma tête au réveil le 8 septembre dernier. Pas complètement gratuitement toutefois, puisque j'étais alors occupé par les points communs entre Des jours et des nuits, roman explicitement jungien de Gilbert Sinoué, et les polars "minoens" de Paul Halter. Or il y a des crimes au trident dans l'un d'eux, Le géant de pierre, ce qui est peu banal.
Mieux, Paul Halter habite Haguenau, et c'est dans un Schloss à côté de Haguenau que le Trident s'est établi sous le nom de Maxime Leclerc, pour commettre le dernier meurtre de son programme, à Schiltigheim, celui qui relance Adamsberg sur l'affaire.
Il y a deux crimes au trident dans Le géant de pierre, celui de Maleus dans l'Antiquité (latin malleus, "marteau", voir le Marteau de Thor, avec lequel il projetait la foudre), et celui contemporain d'un gars connu par son seul prénom, Guy, évoquant facilement L'Eclair ! Bertin, propriétaire du Viking au carrefour Quinet-Delambre dans Pars vite et reviens tard, a nommé son troquet selon l'étymologie du nom Toutin de sa mère (page 46), Tor-stein, "pierre ou marteau de Thor", ce qui sera rappelé dans Dans les bois éternels (page 51).

Les crimes du juge amènent un autre curieux écho. Roland Guillaumond, 25 ans, a donc étripé sa mère le 12 mars 1944, en revenant de l'enterrement de son père Gérard, lui attribuant la responsabilité directe ou indirecte de sa mort, à Collery (localité imaginaire) en Sologne.
Ces parents assassinés d'un amateur de demeures seigneuriales, pendant la dernière guerre, m'évoquent la tuerie du château d'Escoire (Dordogne), en 1941, où un certain Henri Girard, 24 ans, fut accusé d'avoir tué son père, sa tante et une domestique à coups de serpe. Acquitté contre toute attente, il est devenu ensuite un écrivain célèbre sous le nom de Georges ARNAUD (voir plus haut les Arnaud-Arnold-Roland, et le Roland des Quatre fleuves tue ses victimes à coups de serpe; par ailleurs la 4e localisation du juge est en Dordogne, où il a tué un certain Daniel Mestre en 1977).

Ayant donné un titre au billet précédent dérivé de celui du premier roman de Maurice Bedel, Jérôme 60° latitude nord, il m'a semblé s'imposer d'utiliser pour celui-ci le second titre de l'auteur, Molinoff Indre-et-Loire. Il s'agit du département 37, or, à cause des âges clés de 37 et 60 ans d'Ariane dans Dans les bois éternels, j'ai été conduit à intégrer le peu que j'avais à dire alors sur Vargas à une page essentiellement consacrée à 37e parallèle, polar de Colette Lovinger-Richard à la structure calquée sur celle des Enfants du capitaine Grant. L'astuce essentielle du roman de Verne est la découverte d'un message en grande partie effacé, dont plusieurs reconstitutions vont être proposées tour à tour, or on retrouve le même procédé dans Neptune, avec un intérêt narratif plutôt faiblard.

Je remercie les membres de l'AAMF (Association des Amis de Maurice Fourré), notamment Béatrice Dünner (qui a repéré le rêveur définitif dans Un peu plus loin sur la droite), et Bruno Duval, qui m'a appris qui était le père de Fred Vargas.

Cette page convertit les dates grégoriennes en jours juliens astronomiques, et réciproquement, permettant de vérifier aisément les calculs vus plus haut.

Note du 6/4 : Je viens d'être informé de cette curiosité sur YouTube, Nerval récitant lui-même son Desdichado:

J'ai aussi pensé depuis que le "Soleil noir" pouvait avoir été à nouveau évoqué par Fred dans le roman suivant Sans feu ni lieu, avec le personnage du noir Sol dans L'homme à l'envers.

1.3.09

Jean-Baptiste 44°44' latitude nord

Lundi 16 février dernier j'ai acheté 3 polars au marché de Forcalquier.
J'y ai consacré cette page, mais j'entends développer un point concernant éminemment Quaternité.
Il s'agit du dernier Fred Vargas, Un lieu incertain, où un homme est assassiné et découpé en menus morceaux. L'indice essentiel est un petit billet que l'homme voulait envoyer à une Allemande, qui partagera la même infortune, billet s'achevant sur un mot écrit en cyrilique,
Кислова.
Soit Kislova, et les enquêteurs découvrent qu'il s'agit d'un petit village de Serbie, également nommé Kiseljevo, au bord du Danube frontière avec la Roumanie. C'est dans ce village qu'est né le vampirisme, avec une troublante affaire qui a fait le tour de l'Europe en 1725.
Comme par hasard Danglard, le fidèle adjoint du commissaire Adamsberg, avait un oncle originaire de ce minuscule village, Slavko Moldovan.
Je remarque aussitôt que toutes les lettres de SLAVKO se trouvent dans KISLOVA. Il y a un "I" en plus, mais curieusement le vrai nom de Vargas est AUDOIN (Frédérique), qui contient toutes les lettres du nom allemand du Danube, DONAU, avec encore un "I" surnuméraire.
Je trouve très rapidement en me renseignant sur les vampires qu'un de leurs noms est VLKOSLAK, composé des mêmes lettres que SLAVKO. C'est la page Wikipédia sur Dracula qui me l'apprend, et je vais consulter le début du roman Dracula, où, avant son rendez-vous avec le Comte, Jonathan Harker se trouve dans une auberge dont les hôtes le considèrent avec effroi et pitié, se signant en proférant des paroles en de multiples langues:
Je pris mon dictionnaire polyglotte, et cherchai la signification de tous ces mots étranges. J'avoue qu'il n'y avait pas là de quoi me rendre courage car je m'aperçus, par exemple, que ordog signifie Satan; polok, Enfer, stregocia, sorcière, vrolok et vlkoslak quelque chose comme vampire ou loup-garou en deux dialectes différents.
La version originale est plus précise:
'vrolok' and 'vlkoslak' - both of which mean the same thing, one being Slovak and the other Servian...
Décidément... Si je ne connais rien aux langues slaves, je suppose qu'il y existe d'autres consonnes que SLVK, ces lettres que j'ai vues correspondre à celles du jeu en hébreu entre BaBeL et SeSaK, le nom de la ville de la confusion des langues, et son codage alphabétique employé dans le livre de Jérémie. En fait, il semble bien qu'il y ait eu une erreur dans le texte original de Dracula, reprise dans toutes ses éditions, et que le vrai nom serbe du "vampire" soit vlkodlak.

Les enquêteurs interprètent d'abord Kislova comme un mot secret entre amoureux, à comprendre kiss (of) love, "baiser d'amour", or la morsure du vampire est souvent appelée "baiser", et souvent aussi désirée par sa victime, avec des connotations érotiques présentes dès le roman de Stoker, où Jonathan est fasciné par les lèvres gorgées de sang des créatures de Dracula :
Oui, je brûlais de sentir sur les miennes les baisers de ces lèvres rouges.

La requête Kiss of love Dracula amène quantité de résultats, dont j'extrais cet immortel kiss of love. L'expression n'apparaît pas dans le roman original, mais les deux mots clés avoisinent dans le dernier chapitre, lorsque Van Helsing découvre les cercueils des vampiresses:

Then the beautiful eyes of the fair woman open and look love, and the voluptuous mouth present to a kiss, and the man is weak. And there remain one more victim in the Vampire fold. One more to swell the grim and grisly ranks of the Undead!...

Je suis toujours sidéré de ma découverte des châteaux triangulaires de Wewel et Sisak, permettant la superposition que j'ai nommée Etoile de Babel.
La lettre bet/vet hébraïque devient souvent В en russe, se prononçant "v", et se transcrivant "w" en polonais ou allemand.
Cette page parlant de Каббала, Kabbale, confirme la parfaite adéquation du jeu en russe, avec ceci:
посредством этого способа (он называется ат-баш) слово Сесак у Иеремии, значение которого неизвестно, читается как Бабель, т.е. Вавилон;
J'y ai souligné Sesak et Vavil(on); il faut peut-être préciser que, si la Bible hébraïque n'emploie que le mot BBL pour Babel et Babylone, la traduction synodale russe n'utilise que Vavilon; voici la traduction proposée par Google:
par le biais de cette méthode (on l'appelle At-Bash) Sesak mot de Jérémie, dont la valeur est inconnue, se lit comme Babel, qui est Babylone

J'ai découvert les assonances SLaVKo-KiSLoVa-VLKoSLaK à cause de mon intérêt pour les lettres BLSK en hébreu ou VLSK en slovak au moment où j'ai lu Un lieu incertain.
Les échos ne se sont pas arrêtés là, ainsi j'ai eu la surprise de découvrir une étoile de David sur l'image en fond d'écran du principal site en français sur les vampires.
Je remarque les initiales SH au centre de l'étoile, en bas à gauche (en fait IHS, monogramme de IHSOUS, à l'envers), qui me rappellent Sherlock Holmes, magnifiquement interprété par Peter Cushing dans le Chien des Baskerville (1959), le même Cushing qui a interprété l'éternel adversaire de Dracula, le docteur Van Helsing, dans les productions Hammer Films, face à Christopher Lee qui demeure mon dracul, diable, favori (la plupart des films sont visibles sur YouTube).
La Hammer : je rappelle que c'est le marteau de Jérémie 51 qui m'a conduit à évoquer Babel et l'atbash. Mon enquête sur les morts associées aux marteaux m'avait fait passer par la Hammer, avec une brève nostalgie de mes émois d'adolescent, et voici qu'en cherchant une illustration pour ce billet, je choisis la pochette de disque donnée plus haut, pour son HAMMER sanglant, et j'y découvre que la musique composée par James Bernard est dirigée par Philip Martell.

J'ai encore eu la curiosité de me renseigner sur Kislova/Kiseljevo, pour découvrir la réalité historique de son "vampire", Peter Plogojowitz. Cette page wikipédia a été recopiée mot pour mot ici, par un certain valsacha, où je peux voir la forme (Se)sach donnée par Jérôme pour Sesakh.
J'ai été voir sur GoogleEarth l'endroit, pour découvrir Carte GoogleEarth avec Kisiljevo et Kisilova de part et d'autre du bras mort du Danube(cliquer pour agrandir)qu'il semble y avoir en fait deux villages, Kisiljevo, au bord d'un bras mort du Danube nommé Lac d'Argent, et Kisilova, dans l'île ou presqu'île formée par ce bras mort.
Le lieu est réellement incertain, dans le roman de Vargas du moins où il n'est question que d'un seul village qui a plusieurs noms, et Wikipedia n'éclaircit pas la question. Vargas confirme dans cette interview qu'elle ne s'est pas rendue sur place.
Du moins Kisiljevo est-il le village principal, et je suis éberlué par la latitude donnée par le repère affiché par GoogleEarth,
44° 44' 00" N
Il semble que ces repères soient placés à des coordonnées entières exprimées en minutes, ainsi celui pour Kisilova est à 44° 46' N, les longitudes correspondantes étant 21° 25' et 21° 27' E.
Je rappelle que la longitude est une donnée subjective, dépendant du choix d'un méridien d'origine, tandis que la latitude reflète une réalité absolue, pourvu que soit admise la mesure en degrés et minutes, héritée précisément du système sexagésimal babylonien...

Bien sûr je suis émerveillé de voir apparaître un 44 44 alors que ce blog a débuté autour du 4/4/44, alors que mes déambulations diverses m'ont mené au jeu Babel-Sesak ou Wewel-Sisak, alors que je me suis souvenu dans le billet précédent que j'avais dès ma première approche associé Babel à la quintessence jungienne... Et puis le 4/4/44 est la date décrite par Jung comme pivot entre vie et mort, où il a commencé sa convalescence tandis que son médecin le docteur Haemmerli se couchait pour ne plus se relever. Les vampires, ou non-morts, se situent aussi au-delà des oppositions usuelles entre vie et mort.
Il apparaît cependant aussi un écho interne au vampirisme dans le double 44 de cette latitude, car 44 s'exprime en hébreu par les lettres-nombres mem-dalet, qui, ensemble, forment le mot DaM, "sang", et le sang, hein, chez les vampires...
Le commissaire Adamsberg vient en personne enquêter à Kiseljevo, bien qu'il ne parle ni serbe ni aucune langue étrangère semble-t-il. Son nom signifie "montagne d'Adam", or adam, "homme" en hébreu, et nom du premier homme, est de la même famille que dam, "sang", adom, "rouge", adama, "argile", entre autres.

Adamsberg et Danglard enquêtent aussi à Highgate, cimetière de la banlieue londonienne où aurait été dans le récit transféré le cercueil de Plogojowitz, et où des affaires "vampiriques" ont effectivement défrayé la chronique dans les années 1870 et 1970. La première réponse à une requête highgate Plogojowitz est encore une page écrite (ou plutôt recopiée) par le même valsacha rencontré plus haut, que je suis tenté de lire BaLSaKa.
Or high gate, "haute porte", pourrait être rapproché de Babylone, dont l'étymologie serait "la porte de Dieu", ou "des Dieux", et dont l'ambition aurait été caractérisée par la "hauteur" de la tour de Babel.

J'attendais avec une certaine impatience de lire ce nouveau Vargas à cause d'une remarquable coïncidence dans le précédent, en 2006.
Un autre hasard babélien m'a fait mentionner récemment ce poème, composé pour le mariage d'un ami en avril 2005. 2005 a été la première année depuis 1932 où le jour traditionnel de l'Annonciation, le 25 mars, a coïncidé avec le Vendredi saint (mais selon des dispositions particulières propres au catholicisme romain, récusées par les traditionalistes, l'Annonciation a été déplacée en 2005 au 4 avril).
J’ai pré-texté cette coïncidence pour tenter une imitation d'un poème figuré de Raban Maur, en latin, qui avait inscrit dans un carré de 35 vers de 35 lettres 4 croix de 69 lettres, porteuses de vers indépendants, leurs 276 lettres correspondant aux 276 jours passés par Jésus dans le ventre de Marie, du 25 mars de l’Annonciation au 25 décembre.
Après le mariage, le poème a été mis en ligne, sur mon site et ailleurs. Doutant fortement que Fred Vargas l'eût lu, j'ai été surpris en découvrant une vierge au premier plan de Dans les bois éternels, paru l'an suivant, où j'ai relevé deux dates essentielles:
- le 25 mars, où se tient un Concile, réunion de tous les inspecteurs de la brigade; c'est au cours de ce Concile qu'Adamsberg apprend à ses hommes que la prochaine victime du tueur qu'ils traquent sera une vierge;
- le lundi 4 avril, les enquêteurs ont établi une liste de 29 vierges susceptibles d'intéresser le tueur.
Ce seul jour précisé nominalement, lundi 4 avril, est l'un des indices permettant de situer le récit en 2005, où ce 4/4 était donc l'Annonciation, tandis que le concile se tenait le Vendredi saint... Je donnais plus de détails ici, évoquant la possibilité de liens intentionnels avec le fondement ésotérique de l'intrigue, mais Vargas consultée indirectement n'y a pas reconnu ses petits...

J'avais oublié ce 4/4/5, alors que le 4/4/4 avait été la date où un hasard m'avait fait découvrir le 4/4/44 de Jung.
Je remarque une possibilité de lien avec le roman suivant, dans les vers marmonnés par Violette Retancourt dans le coma, pour dénoncer l'assassin, les vers de Corneille finissant par Et mourir de plaisir, et ces 4 mots sont repris dans Un lieu incertain, sous un prétexte dérisoire. On sait que c'est aussi le titre de l'adaptation par Vadim de Carmilla, la première histoire littéraire de vampire, dont Bram Stoker n'a pas nié s'être inspiré (intégral sur YouTube). A noter que Carmilla est un avatar de Marcilla et de Mircalla, préfigurant le Slavko d'Audoin à Kislova sur la Donau ? La Hammer a aussi produit sa version, The vampire lovers, avec le fidèle Peter Cushing.

Au plus bref, j'avais noté des éléments quaternaires dans les précédents romans de Vargas, de la geste Adamsberg:
- Les quatre fleuves (2000): pas besoin d'aller plus loin que le titre...
- Pars vite et reviens tard (2002): un certain Damas (de la famille Adams ?) trace des signes ressemblant à des 4...
- Sous les vents de Neptune (2004): en cette année 04 s'est peut-être révélé un aspect méconnu de l'auteur, fille de Philippe Audoin, spécialiste de Maurice Fourré, écrivain qui a attiré mon attention quaternitaire, parce qu'il est l'auteur de 4 romans, parce que son nom se décompose en four-ré, soit 4-d; sa Marraine du sel (1955) se passe dans la ville de Richelieu, dont la structure quadrangulaire est constamment invoquée, or les vents de Neptune mènent Adamsberg à Richelieu, 4 ans avant de le pousser vers la latitude 44° 44'...
Si les romans se passant dans un petit hôtel près de la gare Montparnasse sont sans doute plus nombreux que ceux évoquant la ville "cardinale", il est néanmoins remarquable que ce soit le cas des romans immédiatement antérieurs dans les oeuvres des deux auteurs. Dans La nuit du Rose-Hôtel (1950), cet hôtel fourréen est situé rue Delambre, tandis que, dans Pars vite et reviens tard, Adamsberg surveille à un saut de puce les occupants du Decambrais (dont le Damas qui trace des 4) sis à ce que Vargas nomme carrefour Edgar-Quinet-Delambre (place Fernand-Mourlot depuis peu), où elle a soin de mentionner une colonne Morris (qu'on y cherchera en vain), alors que sur la couverture du roman de Maurice se dressait hardiment la colonne Saint-Cornille...
...et la citation de Corneille, Et mourir de plaisir, est déjà présente dans Pars vite et reviens tard, où le criminel est appréhendé sous un panneau portant ces mots que Corneille avait placés dans la bouche de Camille, Camille qui était déjà l'aimée d'Adamsberg dans L'homme à l'envers, comme si Vargas avait conçu dès 2000 un jeu Corneille-Cornille-Carmilla-Camille.

Le mile nautique a été originellement défini comme la longueur d'un arc d'une minute sur un méridien, soit environ 1852 m, ce qui donne une idée de la probabilité pour un petit village de se trouver exactement à la latitude 44° 44' .
Ma curiosité m'a fait suivre cette latitude jusqu'en France. Elle passe à proximité de lieux divers, le plus notable étant peut-être Crest, dans la Drome, où subsiste la plus haute tour médiévale d'Europe, mais celui qui m'a le plus frappé est la petite commune de Cessac, en Gironde, où je me suis rappelé dans mon dernier billet avoir fait les vendanges en 1972, notant la ressemblance avec la Sesach de Jérôme.
Me demandant si Cessac s'écrirait Сесак en cyrillique, comme cette Sesach, j'en trouve confirmation sur cette page (où je subodore qu'il doit s'agir de généalogie) :
Pierre de Bérail de Cessac - Пьер дё Берай дё Сесак

Comme beaucoup de communes du bordelais, Cessac est éclatée en propriétés viticoles. J'ai reconnu ici celle où j'ai vendangé, aux coordonnées
44°44'34" latitude N
0°10'40" longitude O
Je me demande si j'ai alors vendangé les pieds de vigne sis exactement latitude 44°44', ou 44°44' 44"...
Wikipédia donne des coordonnées très voisines pour la commune.

Si je n'ai pas entendu parler de vampire à Cessac, il y a eu le fameux Vampire du Sussex, aventure imaginée par Conan Doyle et résolue par SH, Sherlock Holmes.
A propos du nombre 4 vampirique, mes recherches sur Plogojowitz m'ont amené à l'album de Stage Four, Love Finds Peter Plogojowitz, paru en novembre 2007, quelques mois avant Un lieu incertain, dont l'essentiel était évidemment déjà écrit. Ce monsieur "Scène 4" indique qu'il s'est intéressé au cas de Plog lorsqu'il a appris en avril 05 qu'il était atteint d'un mélanome le condamnant à brève échéance. Je suppose que, idéalement, la pochette montrerait le Danube vers la latitude 44°44'.

Le titre de ce billet fait allusion au prix Goncourt 1927, Jérôme 60° latitude nord, de Maurice Bedel.

Je conseille à nouveau la consultation de ma page sur les autres polars lus juste après Un lieu incertain, ainsi que le billet sur The Fountain d'Aronofsky, en étroit rapport avec la quaternité.